Michele Pennetta, 2020 (Italie)
Ce film magnifiquement naturaliste est le troisième de Michele Pennetta et le troisième qu'il tourne en Sicile. Davantage que 'A iucata (2013) et Pescatori di corpi (2016), Il mio corpo avance sur le territoire de la fiction. Pourtant ses personnages, Oscar et sa famille, Stanley et les autres migrants sont bien réels.
Les uns sont là depuis plusieurs générations, les autres viennent de traverser la Méditerranée comme ils ont pu. Tous se débrouillent à la marge, trafiquent ou enchaînent les petits boulots. Les images sont celles du documentaire. Travail dans les décharges à ramasser de la ferraille ou à balayer l'église, vies intimes, corps lavés, cheveux coupés, cuisine, couché : les choix de Pennetta, souvent dans des plans assez longs, nourrissent le naturalisme du film. Quelques scènes seulement, parfois moins (la rencontre possible, un pistolet rouillé, le plan d'une vierge en plâtre qui monte au ciel), puis le dérushage suivi du montage construisent le récit fictionnel. C'est toute la singularité de la démarche. Les paysages secs de Sicile centrale offrent de superbes décors de cinéma. A l'intérieur, c'est la misère. Oscar et Stanley s'y meuvent et s'y traînent, suant à la tâche, malgré tout ils vivent. Ce n'est toutefois pas la vie meilleure, pas pour eux, pas immédiatement en tout cas. En dépit de moments plus tranquilles, plus coulants (à vélos, sur le terrain de basket ou lors d'une baignade), Michele Pennetta fait un film aride. L'essor économique de la région permis jadis grâce à l'activité des mines de souffre est loin. Les mines sont désaffectées. Les friches industrielles servent de pâturage aux brebis et aux moutons. Rien de spirituel, les églises aussi paraissent bien vides. Dans sa famille, Oscar est toujours dévalorisé. Stanley est seul. Les ferrailleurs siciliens et le Nigérian, chacun de leur côté, vivotent sans grand espoir. La situation paraît immuable. Les corps sont endurants... pour combien de temps ?