Bref hommage à un disparu…
Les sept péchés capitaux, Prado, Madrid Les sept sacrements, disparu
Bosch, vers 1500
On lit parfois [1] que Philippe II possédait un pendant à cette célèbre table peinte, consacré au thème des Sept sacrements. Ce qui soulève deux questions :
- s’agissait-il d’une autre table ?
- comment Bosch a-t-il évité que les compositions créent un parallèle entre un Péché et un Sacrement, ce qui théologiquement n’a pas de sens ?
Il faut relire attentivement le seul témoignage que nous avons, celui du Frère José de Sigüenza, prieur du monastère de l’Escorial, où les deux oeuvres étaient exposées depuis 1574 [2] :
« Dans la chambre de Sa Majesté, où il y a un tiroir avec des livres comme celui des religieux, il y a une table et un tableau excellent : il a, au milieu et comme au centre, dans un disque de lumière et de gloire, placé notre Rédempteur ; dans le contour sont sept autres cercles, dans lesquels on voit les sept péchés capitaux, par lesquels L’offensent toutes les caricatures qu’Il a rachetées, ignorant qu’Il les regarde et qu’Il voit tout.
Dans sept autres enceintes, il (Bosch) a ensuite placé les sept sacrements dont Il a enrichi son Église et où, comme dans des vases précieux, il a mis le remède de tant de fautes et de maux dans lesquels les hommes tombent : et certes c’est là la pensée d’un homme pieux et bon, afin que nous nous y regardions tous, puisqu’il les a peints comme les miroirs qui doivent composer le christianisme ; celui qui a peint cela ne sentait pas mal notre foi. Là, vous voyez le Pape, les évêques et les prêtres, certains pratiquant des ordinations, d’autres baptisant, d’autres confessant et administrant d’autres sacrements. »
« En el aposento de su Magestad , donde tiene un caxon con libros como el de los religiosos , está una tabla y quadro excelente : tiene en medio y como en el centro , en una circunferencia de luz y de gloria , puesto a nuestro Redentor ; en el contorno están otros siete círculos , en que se ven los siete pecados capitales con que le ofenden todas las caricaturas que El redimió , sin considerar que los está mirando y que lo vee todo .
En otros siete cercos puso luego los siete sacramentos con que enriqueció su Iglesia y donde , como en preciosos vasos , puso el remedio de tantas culpas y dolencias en que se dejan caer los hombres , que cierto es consideración de hombre pío y buena para que todos nos mirásemos en ella , pues la pintó como espejos donde se ha de componer el cristianismo ; quien esto pintara no sentía mal nuestra fe . Allí se ve al Papa , los Obispos y sacerdotes , unos haciendo órdenes , otros bautizando , otros confesando y administrando otros sacramentos »
Le texte saute abruptement d’une description à l’autre, des « siete círculos » des Péchés aux « siete cercos » des Sacrements : les deux mots sont probablement inversés, puisque « cercos » (enceinte, espace clos) s’appliquerait mieux aux compartiments que nous voyons dans les Sept Péchés, alors que « circulos » (cercles) cadrerait mieux avec les deux comparaisons, vases précieux et miroirs, que nous lisons dans la description des Sept Sacrements.
La première phrase est néanmoins assez claire : « una tabla y quadro excelente » : il en s’agissait donc pas techniquement d’un pendant, mais d’un « tableau excellent » (à cause de sa valeur morale), assorti avec une table.
Ainsi Philippe II pouvait poser ses livres ou ses assiettes sur les Sept Péchés, en contemplant au mur les Sept Sacrements.