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The Northman

Par Kinopitheque12

Robert Eggers, 2022 (États-Unis, Royaume-Uni)

The Northman

Après la friche ensorcelée de Nouvelle-Angleterre dans The Witch (2015), les gardiens de phare ventousés aux ténèbres dans The lighthouse (2019), Robert Eggers cherche à nous plonger cette fois plus profond dans le temps et à ramener à l'écran non pas tant le monde viking, mais sa seule furie. The Northman ne parvient pas à concilier les intentions qui le portent, en particulier le soucis de réalisme historique dont fait à nouveau preuve le réalisateur d'une part, et cette imagerie de synthèse censée nourrir le mystère des grands mythes scandinaves d'autre part. Eggers ne retient surtout de ces mondes nordiques que la rage guerrière et les rites, que le sang et l'ésotérisme, renvoyant aux yeux des étrangers que nous sommes les vikings à la barbarie ; contre-sens maladroit de la part d'un réalisateur qui souhaiterait pourtant en épouser le point de vue. The Northman ne nous aide pas à sortir des idées reçues.

Robert Eggers se base sur la Geste des Danois de Saxo Grammaticus (vers 1200), qui influença probablement quatre cents ans plus tard Shakespeare pour son Hamlet. Le réalisateur cite également volontiers divers poèmes en vieux norrois qui sont des sources tardives, mais plus abondantes sur les populations du Nord (postérieures au XIIe siècle, elles proviennent de la diaspora viking). Ce qui peut intéresser, le récit trace des liens géographiques inédits au cinéma de la Norvège au Rous de Kiev (nous laissant imaginer la descente du Dniepr en bateau jusqu'à la mer Noire), puis vers l'Islande (un voyage du Sud vers le Nord en revanche impossible à tracer puisque le film ne donne pas d'indication sur le chemin parcouru). Les difficultés de communication entre les slaves et les vikings (les scandinaves, les islandais, ceux installés en Europe de l'Est) sont balayées d'un revers de la main, la langue internationale sera l'anglais avec le " r " roulé. Après tout, il n'y a eu que Mel Gibson jusque-là, pour exhumer l'oralité de langues mortes ou quasi perdues ( La Passion du Christ en 2004, en araméen et en latin, Apocalypto en 2006, en yucatèque).

Certes, Eggers est allé déloger de leur temple d'indispensables conseillers scientifiques : l'archéologue Neil Price de l'Université d'Uppsala, le spécialiste en folklore médiéval Terry Gunnell de l'Université d'Islande et l'historienne Jóhanna Katrín Friðriksdóttir, autrice d'un livre sur la puissance des femmes vikings... Mais qu'ont-ils eu à valider ? La hache brandie, la maison longue du prince, les éléments de mythologie, corbeau ou Valkyrie, le faible tirant d'eau d'un langskip ? Cette fidélité souhaitée à l'Histoire n'est bien sûr pas reprochée. Un des problèmes réside par contre dans une esthétique digitale, plutôt laide, assez vaine qui laisse malheureusement le film hors de portée de cette prétention historique. Avec de telles images, le film cherche à devenir mystique, mais il n'est que kitsch. Si, pour éviter l'anachronisme, les mots " drakkar " et " viking " ne sont pas prononcés, les visions d'une chevauchée dans les étoiles éventuellement inspirées d'un médiévalisme XIXe ou bien un arbre généalogique suspendu au cosmos quelque peu New Age nous y font retomber. Sur les pochettes d'un groupe de heavy ou de viking metal passe encore (puisque l'esthétique du film y a souvent été comparée) ; au cinéma, l'effet n'est pas le même. Peut-être sur ce terrain, enveloppé dans la brume du nord et ne s'encombrant pas d'autre décor, le Guerrier silencieux de Winding Refn ( Valhalla Rising, 2009) entretenait-il mieux le mystère ?

La vengeance familiale sert de fil narratif. La violence marque de son emprunte tout le film. Sa systématisation rappelle les excès de la série Game of Thrones (2011-2019), tandis qu'une scène de torture le rapproche de l'infâme Black Death (Smith, 2010). De même, la virilité exposée et augmentée par les bersekers renvoient soudain aux beuglements des Spartiates de 300 (Snyder, 2006). Il est certain qu'à côté de ces références, les sagas d'origine et les poèmes scaldiques aussi anciens soient-ils ne font plus le poids. Eggers dit aussi avoir été influencé par le Conan de Milius (1982). Que le réalisateur délaisse alors l'Histoire, elle n'est ici qu'un prétexte pour une mauvaise fantaisie barbare.


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