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King Kong

Par Kinopitheque12

Ernest B. Schoedsack, Merian C. Cooper, 1933 (États-Unis)

King Kong

A partir d'un scénario original, Schoedsack et Cooper revisitent le mythe de la belle et la bête à travers ce qui était à l'époque un époustouflant spectacle. Dans la lignée du Monde perdu (Harry O. Hoyt, 1925) qui montrait déjà quantité de bestioles de l'ère crétacée, King Kong acquiert grâce à son succès le statut de modèle dans la catégorie de films " un monstre dans la ville ", parmi lesquels, plus tard, (Ishirô Honda, 1954).

Ann Darrow, la belle blonde qui dans la poigne du grand singe hurle et agite les jambes avec conviction, est interprétée par Fay Wray. La bête, métaphore de toutes les pulsions masculines, est un gorille " de la taille d'une maison " animé par le maître en effets spéciaux Willis O. Brien et le sculpteur Marcel Delgado qui avaient tous deux prouvé leur talent en donnant vie aux dinosaures du Monde perdu. Petites maquettes articulées et détails reproduits grandeur nature (pattes et tête), l'incroyable primate pouvait gesticuler, boxer les créatures préhistoriques rencontrées sur son île et se lancer à la poursuite de la belle, le tout sous l'œil de la caméra. Il flaire la jeune fille, l'effeuille avec audace (la scène était à l'origine censurée) et ne supporte pas qu'un autre mâle puisse y poser les mains. De l'horizontalité des courses-poursuites à la verticalité des gratte-ciel, le monstre a beau témoigner de la sincérité de son amour jusque sur la cime d'un Empire State Building très neuf, il est érigé en 1931, et pour le moins phallique, rien n'y fait, ces élans du cœur ne sont jamais réciproques (contrairement au bel hommage rendu par Peter Jackson, King Kong, 2005, dans lequel la magnifique Naomi Watts tombait, elle, sous le charme du poil et du muscle).

Au début des années 1930, mus par de bien vilains desseins, les Occidentaux sont encore partout chez eux. Aussitôt débarqué de l' Aventure, sur la plage de Skull Island, le réalisateur Carl Denham s'empare de sa caméra pour saisir sur pellicule le spectacle si pittoresque offert par les locaux en pleine cérémonie religieuse. Dans la jungle, qui au passage pour Denham et ses compères n'a rien du jardin d'acclimatation des expositions universelles d'antan, le programme se résume à chacune de leur rencontre à tuer ou se faire manger (stégosaure, brontosaure, élasmosaure... qui valent tout à fait les monstres vus trente-trois ans plus tard, dans Un million d'années avant Jésus-Christ de Don Chaffey). Un peu plus tard, une fois Kong renversé, l'équipe des cinéastes aventuriers, du moins ses survivants, ramène la bête à New York et expose le dieu d'autrefois comme une bête de foire à la vue d'une foule huppée en manque de sensations fortes. Il faut attendre la très médiocre suite (récupération des décors et des costumes, moindres moyens et la belle blonde devenue belle brune, jouée par Helen Mack), Le fils de Kong, sortie aussi en 1933, avant que le remord n'atteigne Denham (la mort du singe, les dégâts occasionnés...).

L'animalité refoulée, la civilisation moderne aussi prétentieuse que fragilisée (une actrice au chômage et obligée de voler, une queue pour la soupe populaire, ainsi la crise de 1929 transparaît) craint ses pulsions dont la force malgré leur étouffement encore se ressent, et nulle chaîne, même " en acier chromé ", n'est capable de longtemps la retenir. La gigantesque bête ayant dégringolé, écrasée sur le bitume, Denham couvre sa culpabilité derrière de fausses paroles (" It was beauty killed the beast " qui ferment le film tout en rappelant le proverbe arabe qui l'a ouvert). Leur sens est tout autre en 2005 puisque l'amour est partagé entre la belle et le monstre (en outre, grâce à Jackson le gorille avant de tomber touche par son regard triste). Carl Denham est ruiné d'avoir voulu s'approprier la " huitième merveille du monde ", contrairement à Schoedsack et Cooper qui avec King Kong sortent la RKO du marasme économique.


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