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La blanquette

Par Estebe

Bien le bonjour

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Sachez que l’on soupèse le péril de l’entreprise. En s’attaquant à la blanquette, le cuistot amateur et exilé risque le désamour francophone, l’opprobre cosmique, la potence peut-être même. Tiens, rien qu’à y penser, on en grelotte dedans le slim. Certains se sont retrouvés criblés de plomb, puis coulés dans un bloc de béton au fond d’un fleuve saumâtre, pour avoir traité la blanquette par-dessus la jambe.
Car c’est là un mets farouchement patrimonial et velument identitaire, un monument, un rite gaulois, un Mont-Canigou, avec lequel on ne badine guère. Voilà même le plat préféré des commissaires Maigret et San Antonio, si ces phénix de la maréchaussée tricolore vous disent quelque chose.
Bon. C’est l’heure. On serre le joufflu et on fonce tête baissée vers la mort.

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Pour une blanquette bien roots et deux goulus aux ventres vides, il faut 220 grammes de tendron et 220 grammes d’épaule, le tout de veau bien sûr. Détaillez la viande en cubes de proportions harmonieuses. Colorez tout doux dans une cocotte. Brumisez de farine, touillez pépère un petit moment, puis mouillez à niveau de flotte et d’un déci de blanc sec.
Dans le bain, ajoutez une carotte, un blanc de poireau, une gousse d’ail pelée fendue en deux (de rire), une tombée de muscade râpée, deux branches de céleri, un oignon piqué de deux clous de girofle, une feuille de laurier et deux brins de persil. Laissez frémir à couvert, une bonne heure et demie. Assaisonnez à mi-cuisson.
Ce qui vous laisse le loisir de tailler quatre champignons de Paris en lamelles et de les poêler dans une petite noisette de beurre.
Puis d’émulsionner, dans une très jolie coupelle ancienne, un jaune d’œuf, avec une grosse cuillère de crème, une pincée de sel et un filet de citron.


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Quand la viande s’abandonne comme la plus splendide des courtisanes, extrayez-la à l’écumoire. Réservez au tiède. Filtrez le bouillon. Détaillez la carotte et le céleri en petits dés. Virez le reste. Remettez le bouillon sur le feu avec les légumes, tout doux, intégrez l’émulsion en touillant au fouet, puis laissez cuire dix minutes au seuil du glouglou.
Deux minutes avant le terme (comme on dit en obstétrique), ajoutez la viande. Rectifiez l’assaisonnement. Puis dressez les assiettes, en parsemant de champignons rôtis et petits câpres. Avant de servir, si possible au garde-à-vous, un doigt sur la couture du pyjama et le regard braqué sur la ligne bleue de la tapisserie du salon.
On mange du riz blanc avec ça. C'est obligé. Un coup de blanc peut-être ? Certes. Mais un bon, au bouquet singulier mêlant silex, miel et fleurs montagnardes, à la bouche opulente, zebrée d’une impérieuse nervosité. Soit la savoyarde et racée cuvée « Schistes » (75% de jacquère, boostée de roussanne, pinot gris et mondeuse blanche) du Domaine de Ardoisières, cher à Michel Grisard. Grand jus que voilà. Oui Madame.
A plouches, les copains


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