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L'hippophagie en France

Par Anonymeses

Sylvain Leteux, « L’hippophagie en France. La difficile acceptation d’une viande honteuse (archives) », Terrains et travaux, n°9, 2005/2

Dans la France contemporaine, il faut attendre 1866 pour que l’hippophagie soit légalisée. Malgré cette légalisation, la consommation du cheval demeure une pratique peu développée, réservée essentiellement à la classe ouvrière, ou liée aux prescriptions médicales des hygiénistes. Pourquoi le tabou hippophagique a-t-il été aussi puissant et persistant ?

Les motifs religieux sont le plus souvent évoqués pour justifier l’interdiction de la consommation de la viande de cheval en Europe jusqu’au XIXe siècle. L’anathème prononcé contre cette viande était un « instrument de combat contre les pratiques et superstitions païennes que l’Église voulait renverser ». La question qui se pose est celle de savoir, pourquoi le tabou hippophagique, n’a pas disparu avec l’achèvement de la christianisation de l’Europe. Outre le motif religieux, la longue persistance du tabou hippophagique s’explique par des considérations morales et économiques. Le cheval a un statut différent des autres animaux consommés (bœuf, mouton, basse-cour), il bénéficie d’une image « aristocratique » qui le distingue très nettement du reste des bestiaux domestiques L’argument sanitaire est largement utilisé pendant la Révolution française par les adversaires de l’hippophagie. Un argument « commercial » se fait valoir jusqu’en 1858 : la volonté des bouchers de ne pas voir entamer leur privilège commercial, l’exclusivité sur le débit de la viande de boucherie. Le privilège corporatif des bouchers de Paris est aboli par Napoléon III en 1858. Dans les années 1860, la profession est moins puissante et ne peut empêcher le gouvernement d’autoriser l’hippophagie en 1866.

Au milieu du XIXe siècle, aucune des raisons qui avaient préalablement expliqué la non consommation de viande chevaline ne résiste. Les résistances à l’hippophagie en France au milieu du XIXe siècle ne s’expliquent ni par des causes religieuses ni par des causes sanitaires, mais par des motifs commerciaux et moraux. L’hippophagie souffre d’une image détestable au début du XIXe siècle, parce qu’elle est associée au peuple, à la misère, à la violence des équarrisseurs, qui ont la réputation de maltraiter les chevaux avant de les égorger, mais également à la prostitution.

Trois hygiénistes vont se faire les défenseurs de l’hippophagie : le médecin Alexandre Jean-Baptiste Parent-Duchâtelet (1790-1836), le zoologiste Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1805-1861) et le vétérinaire militaire Émile Decroix (1821-1901). Leurs efforts sont récompensés en juin 1866, quand une ordonnance de police autorise la vente de la viande de cheval. Il s’agit pour eux d’améliorer la condition ouvrière, en offrant une viande bon marché aux consommateurs ouvriers, de lutter contre les préjugés réactionnaires, et d’assurer la liberté du commerce, en entamant définitivement l’ancien privilège corporatif des bouchers.

La guerre de 1870 est souvent présentée comme le principal accélérateur du développement de l’hippophagie en France. Le siège de 1870 met fin à la plupart des préventions contre l’hippophagie. Le manque de viande poussa les autorités à distribuer du cheval à la place de bœuf et de mouton. La seconde moitié du XIXe siècle constitue l’âge d’or de l’utilisation des chevaux pour les travaux agricoles, les transports, dans les mines, sur les champs de bataille. L’hippophagie constitue une solution efficace pour les chevaux de réforme. Un dernier élément explique l’acceptation de l’hippophagie à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. La viande de cheval est préconisée par les médecins pour les tuberculeux, parce qu’elle est riche en azote, et peut être consommée crue sans présenter les mêmes risques que le bœuf (tuberculose, fièvre charbonneuse, ténia). La viande de cheval apparaît comme la viande parfaite pour les organismes affaiblis et les travailleurs manuels à forts besoins énergétiques.

L’hippophagie se développe essentiellement en ville, dans les régions à fortes concentrations ouvrières (Paris, Nord-Pas-de-Calais). Dans les années 1960, la répartition des boucheries chevalines recoupe encore étroitement la géographie ouvrière de la capitale. Même si l’hippophagie progresse après 1870, cette pratique reste marginale. Après un pic de consommation atteint en 1911, l’hippophagie décline rapidement après 1966. En 1970, la viande de cheval « représentait 2% du volume de chair animale consommée, 1,3 en 1985 et 0,7% en 1996 » (Hubscher, « Nourrir le peuple : l’hippophagie à Paris au XIXe siècle ». In Guintard et Mazzoli-Guintard (dir.), Élevage d’hier, élevage d’aujourd’hui, pp. 139-150. 2004). Ainsi que le rappelle l’auteur, « les préventions « culturelles » contre l’hippophagie n’ont jamais totalement disparu. Même pendant la « glorieuse » époque de l’hippophagie (1900-1960), il faut reconnaître que la viande de cheval doit avancer masquée pour espérer être consommée. Sa présentation la plus typique n’est-elle pas le haché ? Pour être accepté par le consommateur, le cheval doit se faire oublier. Jamais le boucher chevalin n’expose la peau, la tête ou les os du cheval, alors qu’une tête de veau parée et décorée peut trôner fièrement au milieu de la vitrine »

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LES COMMENTAIRES (1)

Par mouchou34
posté le 25 octobre à 12:56
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je cherche des imformations sur l'hippophagie pour un exposer en cour..

Alors si vous avez des imformations envoiyer moi un e-mail s'il vous plait.

Il me faudrait les causes les conséquences les solutions

merci d'avance.jennifer

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