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Session du GJE au Laurent, janvier 2011

Par Mauss

La première session du GJE au Laurent a été singulière.

On comprendra pourquoi à la lecture de ce compte-rendu.

Les dégustateurs GJE conviés pour cette session : Marie Ahm, Caroline Notin, Michel Bettane, Bernard Burtschy, Christian Roger, Olivier Poussier, Serge Dubs, Laurent Vialette, Philippe Bourguignon, Abi Duhr, Jacques Perrin, René Millet, Enzo Vizzari.

Dégustateur invité : le docteur Alain Raynaud.

Lieu de la session : restaurant Laurent, 41 av Gabriel à Paris, ce mardi 11 janvier de l'an de grâce 2011.

La commande

Il s'agissait d'une dégustation de commande, c'est à dire que le commanditaire paie les frais de la session, son but étant de savoir, via "l'outil" GJE, où se situe son cru par rapport à des concurrents directs. En l'occurence, Château Lascombes, un deuxième cru classé (1855) d'appellation "margaux", souhaitait savoir où se plaçait son vin dans une confrontation où il y avait tous les premiers et deuxièmes crus classés 1855. Cela faisait un total de 19 vins dont voici la liste, par ordre alphabétique :

RG VINS COMMUNE ORDRE

      SERV

DCC Château BRANE-CANTENAC Cantenac 4

DCC Château COS-D'ESTOURNEL Saint Estèphe 5

DCC Château DUCRU-BEAUCAILLOU Saint Julien Beychevelle 7

DCC Château DURFORT-VIVENS Margaux 8

DCC Château GRUAUD-LAROSE Saint Julien Beychevelle 9

PCC Château HAUT-BRION Pessac 1

PCC Château LAFITE-ROTHSCHILD Pauillac 2

DCC Château LASCOMBES Margaux 18

PCC Château LATOUR Pauillac 3

DCC Château LEOVILLE-BARTON Saint Julien Beychevelle 19

DCC Château LEOVILLE-LAS-CASES Saint Julien Beychevelle 13

DCC Château LEOVILLE-POYFERRE Saint Julien Beychevelle 15

PCC Château MARGAUX Margaux 6

DCC Château MONTROSE Saint Estèphe 10

PCC Château MOUTON-ROTHSCHILD Pauillac 17

DCC Château PICHON-LONGUEVILLE BARON Pauillac 12

DCC Château PICHON-LONGUEVILLE COMTESSE DE LALANDE Pauillac 16

DCC Château RAUSAN-SEGLA Margaux 11

DCC Château RAUZAN-GASSIES Margaux 14

 

Le millésime

Il s'agissait du 2005, largement loué à sa sortie (trop, d'après Michel Bettane, eu égard à la sécheresse si particulière de cette année) où il est bien évident que ces vins bordelais de référence sont loin d'avoir achevé leur parcours de croissance, de développement, de maturité. C'est, comme d'habitude au GJE, une image à un temps T qui évoluera certainement, mais qu'on rapprochera quand même de la session précédente de ce millésime et des notes "primeurs" mises par les grandes signatures du secteur.

La procédure

Comme il m'a été reproché ici et là, sur plusieurs blogs et forums, d'accepter trop facilement les vins en provenance directe des propriétés (ce qui me donne une "assurance" de tenue parfaite en cave) j'ai convaincu Château Lascombes d'accepter nos règles les plus strictes, à savoir :

a : désignation d'un huissier assermenté (Cabinet de Me Benhamou, Paris).

b : charger l'huissier d'acquérir les 19 vins, là où il voulait, en double exemplaire, et si possible à la même source. Ce qui fut fait chez Lavinia.

c : mettre ces vins sous caisses totalement anonymes, sans aucune indication et sous scellés, pour que personne au restaurant Laurent où l'huissier a déposé ces caisses, ne puisse avoir une idée du contenu.

d : ce matin - toute la session a été filmée - c'est ce même huissier (Me Quentin Duriaud et son assistante) qui a donc levé ces scellés et a contrôlé toutes les opérations suivantes : numérotation au hasard de l'ordre de service, ouverture des bouteilles par les sommeliers du Laurent, service des vins dans les verres numérotés, contrôle des températures.

e : et selon nos règles habituelles, chaque dégustateur devait commencer sa propre dégustation par le verre portant le même numéro que celui de sa table; et la moitié de la salle devait déguster alors dans le sens des aiguilles d'une montre, l'autre moitié, dans l'autre sens. Même si ce système n'est pas parfait, il réduit sérieusement quelques défauts patents de dégustations de ce type, notamment l'influence que peut avoir le style d'un vin sur le suivant (ex : un vin puissant précédent un vin privilégiant la finesse).

f : les dégustateurs n'ont eu strictement aucune information. Ce fut une aveugle totale. Et, comme d'habitude, suite à la dégustation, un debriefing a permis de dégager quelques commentaires intéressants que l'amateur pourra visualiser sur le film qui sera mis tantôt sous YOUTUBE ou DAILYMOTION.

Pourquoi je me permets de rappeler ici le détail des procédures suivies par le GJE ? Tout simplement pour couper court et net à toutes les stupides allusions de tricherie qui ne manqueraient pas d'émerger ici ou là… car CHATEAU LASCOMBES sort 1er de cette dégustation ! Certes, c'est le résultat du classement classique où j'additionne les rangs des points et des rangs, sachant que les analyses de Bernard Burtschy (notamment pour annuler les écarts d'influence que peut avoir un dégustateur notant de 70 à 95 par rapport à un dégustateur notant de 88 à 92) peuvent éventuellement modifier cette présentation brute des résultats :

1 Château LASCOMBES 104,52 €

2 Château LEOVILLE-POYFERRE 132,94 €

3 Château MOUTON-ROTHSCHILD 672,24 €

4 Château COS-D'ESTOURNEL 283,44 €

5 Château RAUSAN-SEGLA 121,24 €

6 Château PICHON-LONGUEVILLE BARON 174,75 €

7 Château LEOVILLE-BARTON 168,06 €

8 Château MONTROSE 147,99 €

9 Château DUCRU-BEAUCAILLOU 251,67 €

10 Château LATOUR 1 513,38 €

11 Château GRUAUD-LAROSE 85,03 €

12 Château MARGAUX 1 505,02 €

13 Château RAUZAN-GASSIES 52,67 €

14 Château BRANE-CANTENAC 69,40 €

15 Château DURFORT-VIVENS 47,66 €

16 Château LAFITE-ROTHSCHILD 2 425,58 €

17 Château HAUT-BRION 1 171,41 €

18 Château PICHON-LONGUEVILLE COMTESSE DE LALANDE 142,14 €

défaut
Château LEOVILLE-LAS-CASES 292,64 €

 

Malheureusement, les deux bouteilles de Léoville las Cases ont montré de nets défauts qui écartent ce cru du classement du jour.

S'il est évident pour chacun que ces vins de prestige ont des évolutions diverses et que certains crus comme Lafite ou Haut-Brion étaient sérieusement fermés, ce classement montre quand même une chose fondamentale : l'écart des prix entre les premiers et les seconds n'a rien à voir avec l'écart - faible ou même nul - qualitatif.

J'aime aussi le troisième rang de Mouton dont certains bégueules continuent à dénigrer ce premier alors même que les derniers millésimes justifient pleinement son appartenance au premier cercle.

L'amateur sera également réconforté par le plaisir particulier que bien des dégustateurs ont ressenti avec Léoville Poyferré de la famille Cuvelier, cette AOC saint-julien demeurant "le" vivier par excellence de crus de très haut niveau.

Conclusion

Le rang de Lascombes montre à l'évidence que la direction de ce cru classé d'AOC Margaux a réussi son pari : remettre cette propriété au sommet de son appellation alors que trop de commentaires continuent à dévaloriser ce domaine en oubliant simplement tout ce qui a été fait depuis son acquisition par le Groupe Colony qui n'a pas lésiné à la dépense. D'ailleurs, si l'amateur regarde nos anciennes sessions où ce cru a été dégusté, il verra que le GJE a une réelle constance dans ses évaluations.

Je ne peux que conseiller aux lecteurs de ce blog d'aller visualiser le film du debriefing de cette session où on constatera qu'à l'aveugle, avant que j'annonce le nom de chaque cru, certains commentaires étaient d'une perspicacité redoutable. Mes zozos du GJE sont vraiment des très bons : merci à eux, j'en suis particulièrement fier ! On vous dira quand le film sera en ligne.

Certes, il n'y avait pas Palmer, "pénalisé" par son rang de troisième en 1855. Certes, on le redit, certains vins évoluent plus vite que d'autres, prennent un style dès le départ plus orienté vers le facteur plaisir. Tout cela, on le sait. Il n'empêche : ce lundi 11 janvier 2011, CHATEAU LASCOMBES a été dégusté "alla grande".

Vous imaginez maintenant tout ce qu'on aurait pu dire si nous n'avions point suivi la procédure explicitée plus haut ! C'était la Place de Grève assurée, avec écartement à la Damien et tutti quanti.

Armand Borlant était là, et dès demain, je devrai ajouter quelques belles photos. L'ambiance était magique, tout le monde en super forme et un Serge Dubs (Meilleur Sommeilier du Monde, oeuvrant toujours à l'Auberge de l'Ill***) en verve dont les commentaires étaient simplement remarquables. Il va falloir qu'il nous rejoigne plus souvent !

Enfin, comme d'hab, le déjeuner qui suivit (où nous ont rejoint les responsables du domaine chez Colony et quelques amis), fut un grand moment de convivialité gastronomique, (Cuvée Frédéric Emile et deux millésimes de Lascombes en magnum apportés par Dominique Befve, DG du Château). Olivier Poussier a étonné tout le monde en nous offrant à l'aveugle, un ALMA VIVA du Chili, millésime 1998 au fumé magnifique. Une finesse d'anthologie ! Merci Olivier !

D'autres commentaires ne manqueront pas de s'ajouter à ces éléments de première présentation des résultats. Un grand merci à COLONY CAPITAL qui a pris le risque d'accepter nos règles et au LAURENT qui nous reçoit toujours avec autant de professionalisme et de gentillesse.


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