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Je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans...

Par Daniel Sériot

... ne peuvent pas connaître!

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Celui de la bénédiction du vin, encensé par Pasteur, par Babrius J. Arthaud, dont je vous recommande la lecture :

De l'influence du vin sur la civilisation.

Dans sa préface peut-on lire : "Tant que le vin a été en honneur dans toutes les classes de la société, le peuple français est resté par ses qualités brillantes le premier des peuples modernes. Le courage loyal et généreux, la gaieté et la vivacité de l'esprit, le patriotisme, l'éloquence, le sentiment exquis de la dignité personnelle associé à une excessive politesse, un penchant irrésistible vers une douce sociabilité, furent les traits principaux de son caractère. Lorsque le café, le thé et le tabac ont pris successivement place dans ses habitudes, chacun de ces agents, plus ou moins délétère, a imprimé une altération sensible à ce bel ensemble de traits distingués."

Cette première partie de l'ouvrage se destine à l'éloge du vin : d'abord en vertu d'un sociogramme fondateur des civilisations, que l'auteur catégorise selon la plaisante et absurde dichotomie des cultures fondées sur la pratique viticole et des cultures ignorantes du vin.

Deux groupes humains selon Arthaud : « ceux qui boivent, ceux qui ne boivent pas… »

Les premiers sont nécessairement civilisés, urbanisés : « Partout où le vin mûrit, les arts, la poésie, l’éloquence, le sentiment exquis du beau éclatent et grandissent comme sous le souffle enchanté d’une divinité bienfaisante», p.XV.

Les seconds, des espèces de la pire engeance, « des sous-races multiples et laides comme l’erreur et le mensonge», buveurs de graines fermentescibles, ces «liquides étranges»p. XII-XIII

C'est-y pas beau, ça?

Il conclut selon un adage qui ne peut que convaincre les buveurs d'étiquettes que nous sommes : « Le degré de civilisation d’un peuple est toujours proportionnel à la qualité et à la quantité des vins qu’il consomme. »p. XXI

Mais le plus drôle reste à lire... Pour étayer cette thèse il énonce plusieurs vérités devenues axiomes en raison de l'impossibilité de contradiction. Fous rires garantis!

Seul le vin, mieux que les philosophes, mieux que les économistes, les socialistes, mieux que le clergé encore, est celui qui est à l'origine des plus belles avancées humaines!

« Si je démontre historiquement et physiologiquement, que l'usage du bon vin a pu seul produire ces grands et lumineux développements de l'esprit humain, qui à diverses époques, et toujours progressivement,ont entraîné le monde vers les régions d'une civilisation meilleure, j'aurai, je crois, rendu à la science, l'un de ces services qui permettent de dire avec le poète : exegi monumentum aere perennius », p. XXXII.( =J’ai érigé un monument plus durable que l’airain.)

Pourquoi le vin seul?

Parce que les socialistes ont créé le système selon lequel les travailleurs sont exploités par les paresseux, parce que les économistes prônent la vérité selon laquelle l’homme le mieux vêtu, qui boit et mange le plus, est l’idéal de l’humanité sur terre. Parce que le clergé, s’il a reçu la vérité, il ne la comprend pas, il l’altère : « le bon grain tombe sur un sol mal préparé et les peuples chrétiens sont les plus misérables, les plus ignorants et les moins civilisés ", p.XLII et enfin parce que les philosophes ne sont pas capables de professer une vérité applicable de leur temps!

Et de citer Pline, « Le vin entretient les forces, nourrit le sang et donne les couleurs de la santé », p. XXXII, Vino aluntur vires, sanguinis colosque hominum…

Ensuite, il est l'argument incontestable selon lequel toute civilisation au sommet de son art et de la richesse de sa culture est nécessairement celle qui cultive la vigne.

De citer l'Art Chinois à son apogée précisément au même moment où la viticulture était au summum de son développement.

De citer l'Inde, « Le vin de Cachemire a beaucoup d'analogie avec le madère liquoreux. Nous ne connaissons le génie de ces populations que par les admirables tissus qu'elles fabriquent, mais il suffit de signaler, pour l'honneur de la thèse que je défends, que le seul pays de l'Inde qui nous envoie un produit d'art inimitable, est aussi le seul où toutes les classes de la société boivent librement du vin. », p. XXXIII.

Et de citer la Perse, l'Egypte...et la Grèce!

De là, J. Arthaud joue les justiciers! L'école de Salerne aurait défendu l'usage du vin. Qu'à cela ne tienne. L'auteur propose ses propres traductions afin de prouver que loin de bannir le vin, les mires, qui s'en tenaient aux Préceptes des doctes, en avaient décelé des vertus médicinales.

Si nocturna tibi noceat potatio vini

Matutina hora rebibas et erit medicina

N’étant pas d’accord avec la traduction proposée, p.XLVI, je propose la mienne : si la débauche de vin nuit à ton sommeil, rebois dès le matin et il y aura guérison.

Ensuite, sombrons pour une Histoire revue et corrigée…

Selon J. Arthaud, les premiers temps de notre civilisation aurait été marquée par la concorde de trois entités politiques sociales et religieuses qu’étaient le Roi des Francs, l’Eglise gallicane, et le peuple, entités naturellement vouées à une viticulture florissante.

Évidemment, tout allait trop bien dans ce meilleur des mondes possibles, et il a fallu que Charles IX décide de l’arrachage des vignes !

Et qui se trouve être précisément Charles IX ? Celui qui s’est allié avec l’ultramontanisme (les Médicis). Il est celui de la Saint Barthélemy !

Inutile alors de préciser que tout n’a été que décadence dans notre pauvre royaume de France ! Diderot, Voltaire eux-mêmes sont allés à l’ivresse du café pour leur déperdition…

« Sous Louis XV, l’usage du café étant devenu de mode, les gens de lettres ne se réunirent plus autour de la bouteille. C’est au café Procope qu’eurent lieu les causeries familières des beaux esprits du dix-huitième siècle. A une littérature pleine de sève, de chaleur et de conviction, le café a fait succéder une littérature poile mais froide, spirituelle mais sans véritable génie, philosophique mais sans vie religieuse, moqueuse mais dans cette haute et sage critique qui attaque et terrasse le vice. »p. LXI

La Bible elle-même fait l’objet d’un regard et d’une réinterprétation édifiants de bravoure stupide…(lire p. LXIV)

Eh oui !

L’arbre de la connaissance du Bien et du Mal n’est autre qu’une vigne ! Et le fruit défendu, le raisin.

Donc, en prélevant le fruit, en ôtant la vie au cep, Adam et Eve tombent dans les ténèbres et se corrompent !

Un seul descendant retrouve la faveur de Dieu, Noë, qui aura la permission de cultiver la vigne…

En clair, de bons fondements sur les qualités évidentes de l'oenophilie, hélas détournées de ses meilleurs apports pour répandre des propos assez dramatiques à moins d'en rire et de les apprécier avec le recul nécessaire...


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