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M comme ... Matthews Onzy

Par Reginezambaldi
M comme ... Matthews OnzyUne de ses plus célèbres compositions s'appelle "Blues with a touch of elegance"; cela le décrit très bien: grand, mince, la voix basse, un regard curieux, un sourire un rien ironique ou charmeur et toujours élégant, en smoking comme en jeans.
Onzy Matthews est né au Texas - il n'aimait pas dire l'année exacte, peut-être pour ne pas voir le temps passer- puis a suivi sa mère à Los Angeles. Il a commencé à apprendre le piano tout seul, pour s'accompagner en chantant. Très vite, il a fait des arrangements. Beaucoup. Un jour, il appela Dexter Gordon parce qu'il voulait monter un orchestre: Gordon invita les meilleurs musiciens d'Hollywood pour tester le jeune homme: devant leur enthousiasme, cela se transforma en sessions hebdomadaires qui durèrent plusieurs mois!  Il partit ensuite à New York, collabora pendant des années avec le Big Band de Duke Ellington qui lui demanda d'arranger certains de ses morceaux. Il remplaça même le Duke au piano pendant une tournée à travers les États-Unis. Il travailla avec Ray Charles, Lou Rawls, Quincy Jones. Avec Miles Davis, dans le film Dingo, musique de Miles Davis et Michel Legrand. Il enregistra des albums chez Capitol Records, ses compositions et aussi des arrangements magnifiques, Moon River, Flamingo et tant d'autres standards!

Et puis Onzy est arrivé à Paris; il rêvait de reformer un Big Band - il était M. Big Band par excellence; les trios, les solos ne l'intéressaient pas vraiment, c'était le choc des cuivres, l'harmonie des instruments, leur alchimie qui le faisaient vibrer. Il a joué dans le club de jazz du Méridien Etoile, dans des restaurants, au Bœuf sur le Toit, mais il souffrait d'improviser génialement sur Satin Doll dans le brouhaha des conversations et des bruits de vaisselle... tout en continuant à composer des partitions sur tout ce qui lui tombait sous la main. Je le sais. Je l'ai vu. Il me l'a dit. Si je lui rends hommage aujourd'hui, c'est aussi parce qu' Onzy était mon ami. Al Grey, autre grand musicien, me l'avait présenté. L'étudiante que j'étais alors ne réalisait pas vraiment l'artiste qui se trouvait en face d'elle. Il m'emmenait manger du soul food à 3 heures du matin dans des petits restaurants de Paris avec Memphis Slim, le roi du blues, et d'autres magiciens de la trompette ou du saxo; dans ma cuisine, il préparait des côtelettes de porc avec de la confiture d'abricot selon une recette de sa mère. Il me conseillait d'arrêter mes études et de devenir son agent: je l'aidais à négocier un contrat pour la Grande Parade du jazz de Nice; je l'accompagnais à la SACEM... Nous parlions beaucoup et je lui montrais Paris. Je lui ai même présenté mon père.La vie, le temps, les études, nous ont éloignés, sans raison, comme c'est souvent le cas.Onzy Matthews a remonté un Big Band en Europe qui a, entre autre, été à l'affiche du Festival de Jazz de Ramatuelle.Il est retourné beaucoup plus tard au Texas avec la volonté, encore et toujours, d'une nouvelle aventure musicale, lui à qui on avait reproché, au début de sa carrière, d'avoir trop de musiciens noirs dans son orchestre. Un couple d'amis l'a retrouvé mort, chez lui, près de son piano, une composition inachevée à ses côtés. Un grand monsieur du jazz, malade et seul, des partitions plein les placards!.Son nom devrait être prononcé plus souvent, ses arrangements écoutés en boucle: il n'a pas voulu faire de concessions, ne jamais renoncer à ses idéaux, peut-être au prix d'une notoriété plus mercantile.J'aurais voulu l'applaudir à Ramatuelle, cela tient une place importante sur la liste de mes regrets...Un jour, il m'a tendu une feuille avec des notes, des paroles: il m'avait écrit une chanson... il me l'avait même fredonnée dans un des restaurants dans lequel il jouait devant une audience ignorante de l'honneur qu'il lui faisait!Je suis toujours à la recherche de ce morceau de papier... NB: Je vous invite sans plus attendre à écouter sur Youtube, une de ses compositions: Mesdames et Messieurs, voici Mister Onzy Matthews et son orchestre,  Blues Non-Stop....


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