Déjeuner ce midi à l'Envers du Décor où quelques sommités politiques régionales affichaient haut et fort un moment de tranquillité sans langue de bois.
Trois vignerons de qualité à notre table pour parler de tout et de rien. Et un écrivain-photographe qui vient de sortir un très beau livre sur cette commune qui attire bus de tous âges (troisième et suivants…), voitures internationales se garant sagement le long du muret d'Ausone, et quelques acheteurs qui paient sans état d'âme des prix conséquents pour des vins qu'ils rapporteront précieusement chez eux.
Le marché redescend de sommets sur lesquels il ne pouvait simplement pas s'attarder. On évoque ici et là une baisse moyenne de 30 %, les "grands" surtout. Normal : les acheteurs se font plus rares et on oublie trop souvent que c'est l'acheteur qui fait le prix et non le producteur.
Consultez les graphiques de LIVE-INDEX et vous verrez qu'avant de considérer le vin comme outil d'investissement, sauf à l'avoir acquis il y a 20 ans, se lancer en ce moment sur un tel bien volatil, c'est prendre un sacré risque, même avec quelques "premiers", ce qui est une première.
La cote de désamour de Bordeaux est toujours sensible sur les sites américains malgré les efforts d'un Jeff Leve ou d'autres soucieux de défendre des caves dont la valeur commence à tanguer. C'est vrai que l'époque n'est guère favorable à de telles choses. On se calme sérieux.
A Saint-Emilion, on a d'autres soucis avec le nouveau classement qui entre dans la phase de prise des échantillons pour les dégustations où, normalement, cela se passera le plus objectivement possible. On devrait s'orienter vers des critères de sélection où la valeur marchande du cru jouera un rôle majeur, sinon capital. En effet, en suivant sagement l'exemple des premiers de la rive gauche où les 5 élus sont ± dans la même fourchette de valeur, Saint-Emilion devrait avoir trois catégories où ce serait le même schéma. On aurait du mal à comprendre, par exemple, pourquoi dans la même catégorie un vin vaudrait € 250 et un autre moins de € 50. On parle d'environ 60 impétrants ayant déposé le lourd dossier pour être admis soit en "premier grand cru classé", soit en "premier grand cru classé B", soit en "premier grand cru classé A". La logique qualitative voudrait qu'Angelus et Pavie soient au sommet, rejoignant Ausone et Cheval Blanc. Et gare aux réactions de ceux qui ne seront admis nulle part : verra t'on encore des suites juridiques ?
Va savoir Charles !
SAINT-EMILION
Superbe ouvrage sur ce qu'est, de l'intérieur, Saint-Emilion
Parmi les innombrables et inutiles resucées de livres sur le monde du vin à Bordeaux qui se copient l'un sur l'autre de plus en plus mal, saluons l'approche originale de cette oeuvre de Philippe Dufrenoy et Jean-Marie Laugery (Editions Féret, € 49,90). C'est un joyeux voyage chez les vignerons, restaurateurs, commerçants, sans oublier les chanoines millésimés, les pierres historiques, les macarons de Madame Blanchez, le stradivarius de Fombrauge, le Logis de la Cadène, et, page 70, la scène de Vinci où je n'ai pas encore choisi qui est le Judas :-)
Chaque double-page est un sujet indépendant. Un des charmes du livre. On s'y promène, on rêve, on lit, on voit des photos d'exception. Bravo aux auteurs ! Un cadeau de Noël qui aura une vraie valeur pour vos amis amateurs.
AUTRES LECTURES
Arrivage ce jour de deux revues majeures.
Le dernier n° de VIGNERON (le 7), comme il se doit en fin d'année, aligne beaucoup de pages sur la Champagne avec un article intéressant de Gérard Margeon qui remet quelques pendules à l'heure. Le titre : "Où sont passées les bulles ?". Vous devinez la suite…
Et comme d'habitude, quelques monographie de domaines : Les Rothschild de Lafite, les Ramonet, Caroline Frey, Olivier Leflaive, de plus en plus espiègle, Angelo Gaja, le pourfendeur unique des lieux communs destructeurs.
Enfin, un superbe reportage sur Philippe Bourguignon et Le Laurent, notre restaurant fétiche à Paris, le lieu idéal de nos sessions du GJE. Ces 12 pages, superbement illustrées sont une ode véritable aux "vrais" vins et c'est bien loin d'une énumération classique de noms ultra-connus. On reconnaît là, la véritable passion de Phlippe Bourguignon pour des vins en-dehors des radars habituels. Certes, ce n'est pas le seul restaurant en France (encore heureux!) qui montre ainsi un respect pour le "grand vin", mais ici, sur la cuisine d'Alain Pégouret, on atteint un niveau où peu d'établissements peuvent prétendre.
Le dernier n° de THE WORLD OF FINE WINE (n° 34) est d'une folle densité ! Une véritable bible à garder en bibliothèque, tant l'équilibre entre des articles de fonds, des notes de dégustation, des monographies et des éditoriaux est remarquable. Là aussi, je ne vous dis pas les qualités des photographies : Neil Beckett, tu es un sacré bonhomme, toi qui tient à bout de bras ce travail herculéen de tenir un tel niveau qualitatif ! Bravissimo !
Bon, c'est vrai que c'est aussi un GJE :-)
On lira avec attention (mais cela doit exister quelque part en français) l'édito de Michel Bettane sur l'évolution des vins depuis quelques années, où il nous explique comment ne pas confondre "concentration et extraction" et comment comprendre "maturité et surmaturité". Nicolas : tu as cela en stock quelque part en français ? Dispo sur le site ou sur le B+D pdf ?
On comprendra pourquoi, avec de telles lectures sous la main, je suis totalement incapable de vous donner un point de vue même sommaire sur Braquo, sur Hollande, sur Lagarde ou sur un Ruquier qui me déplaît de plus en plus avec ses sourires forcés et ses gnans-gnans qui applaudissent n'importe quoi à n'importe quel moment.
Reste la musique, avec ce dernier achat d'une oeuvre que je n'ai jamais écoutée ou même entendue :
En Bluray, svp !