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L'histoire de la gastronomie, de l'Antiquité à nos jours...

Par Daniel Sériot

...qui normalement tiendrait plusieurs pages.

C'est donc un condensé que je présente, à but argumentatif car il m'importe de prouver comment à tort véhiculent de fausses idées sur l'Histoire de la table, sous l'Antiquité, et sur les dogmes de la philosophie épicurienne. 

Dès le IIIème siècle, le culinaire est considéré comme un art. Tite-Live parle d’une cuisine tenue comme un art, justement à l’époque où les premières expéditions permettent d’influencer la cuisine d’épices et de mets plus diversifiés.

Apicius, dans son Traité de gastronomie, réglemente les principales fonctions de la cuisine : l’archimagirus est l'équivalent antique de notre chef. Il est assisté par le vicarius supra cocos, son second qui avait sous ses ordres les cocis ou marmitons.

La recherche du raffinement culinaire laisse des traces dans divers écrits, dont ceux de Catilina, que je cite et traduis :

« Archimagirus enim Phidippus et coqui et coquae optime
victus curaverunt . Olivas albas et nigras et ***artocreata et suillas
vulvas et Helveticum caseum et mala singula comedimus et videlicet optima
vina bibimus.

En effet ; Phidippus, maître queux, les cuisiniers et les cuisinières traitent du meilleur soin les aliments. Olives blanches et noires, pâtés de viande et vulves de truie (ou matrices) et du fromage helvète et pomme (ou orange ?)particulière nous mangeons et bien naturellement nous buvons les meilleurs vins. »

Parmi les finesses de la gastronomie romaine et outre l’esthétisme des plats, – les romains savaient utiliser les colorants naturels-, Apicius avait développé l’idée de reproduire la saveur d’un aliment sans l'utiliser lui-même. Ainsi nous a-t-il laissé une recette de " poisson salé sans poisson salé " (salsum sine salso) car son but était que personne ne puisse reconnaisse le mets.

(Ferran Adria n’a rien inventé !)

Les mets en question étaient assez subjugants : talons de chameaux, langues de flamants, de rossignols ou de paons, tétines de truie farcies aux oursins...L’imagination d’Apicius doit bien à sa renommée. Et, nous avons hérité des latins notre tempérament d’œnophiles.

Banquet_romain

D’où vient alors l’idée de ces orgies romaines ? Des philosophes, et d’Epicure également !

A commencer par les doctrines que sont le stoïcisme et l’épicurisme, bien évidemment, l’Antiquité philosophe a plus ou moins rejeté les plaisirs de la table. Parler d’épicurisme, pour évoquer la quête du plaisir est un malentendu. Epicure n’a jamais fait que prôner la quête de la satisfaction utile au bonheur de l’homme, mais dans l’assouvissement de besoins naturels. De manière claire, il s’est opposé à tout autre plaisir qui soit selon lui superfétatoire. Ainsi classe-t-il l’alimentation, la sexualité dans les besoins à satisfaire parcimonieusement dans le but du maintien de la vie, et la gloire, la richesse, etc. dans les besoins inutiles et superflus. Epicure se pose en moraliste sévère. Il écrit : « ni les beuveries et les festins continuels, ni la jouissance des garçons et des femmes, ni celle des poissons et de tous les autres mets que porte une table somptueuse n’engendrent la vie heureuse »… Décevant, non ?

Epicure

Se dire épicurien, pour signifier que l'on aime les plaisirs de la table est donc un contresens philosophique!

Plus tard, les interdits alimentaires interviennent selon les calendriers et obligations religieuses. Le Moyen-Age, loin d’avoir revêtu l’héritage culturel de la gastronomie gréco-latine, s’en éloigne…

Certaines catégories d’aliments sont proscrites, en particulier celles d’origine animale. Peut-être parce que le sacrifice n’est plus pratiqué : la viande devient alors impropre à la consommation. Plus tard encore, les premières théories diététiques modifient le rapport à l’alimentation, la rendant alors aristocrate, distinguée, si elle repose sur des principes médicinaux, ou chimiques. Enfin, selon les classifications opérées en zoologie ou en botanique, certains aliments étaient considérés comme pouvant être plus nobles que d’autres. Les légumes étaient réservés aux pauvres, le bœuf au paysan, et l’aristocrate ne mangeait que les volatiles, placés dans la hiérarchie la plus élevée du règne animal.

Les_tr_s_riches_heures_du_Duc_de_Berry

Il faut attendre la fin du Moyen-âge et la Renaissance, notamment parce qu'elle renoue avec l'Antiquité et les valeurs humanistes pour que les plaisirs de la Table soient reconsidérés, parfois sous des aspects étonnants : on se délecte de cygne, par exemple... Ne pas oublier non plus que l'ère des grandes expéditions permet que soient rapportés des mets dont l'Europe est vite friande.

Le vin est une vertu monacale! et progressivement, l'autorité de l'église baisse la garde devant les raffinements retrouvés de l'art culinaire. Les noces de Cana, peintes comme un banquet ne choque pas...

Paolo_Veronese__The_Wedding_at_Cana

Le Grand Siècle est celui de l'Art de la Table, à la fois par la tenue exigée des convives, mais par le déroulement selon l'étiquette et l'ordonnancement des menus. Il est un Vatel, puis un Brillat-Saravin, un Augustin Carême, le premier à se faire appeler Chef...


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