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L'ère Anonymous ne fait que débuter

Publié le 01 avril 2012 par Cheaplabel

Nicolas Bérubé, La Presse (Los Angeles)
 Des sympathisants d'Anonymous ont dénoncé l'Accord commercial anticontrefaçon... (Photo archives Associated Press) AgrandirDes sympathisants d'Anonymous ont dénoncé l'Accord commercial anticontrefaçon... (Photo archives Associated Press) Des sympathisants d'Anonymous ont dénoncé l'Accord commercial anticontrefaçon (ACTA), à Budapest, en février. On reconnaît ces militants à leur masque à l'effigie de Guy Fawkes, rebelle britannique catholique du XVIe siècle. - Photo archives Associated Press
source technaute.cyberpresse.ca

Les pirates informatiques du collectif international Anonymous disent défendre les droits de l'homme et la liberté d'expression... quitte à enfreindre la loi. Ils font trembler le FBI et n'hésitent pas à s'en prendre aux policiers et aux élus. Et les experts s'entendent sur un point: Anonymous est là pour rester.
Le mois dernier, alors qu'un policier se montrait agressif vis-à-vis de manifestants qui participaient à une occupation à l'hôtel de ville d'Austin, au Texas, un membre du mouvement Occupy Austin a filmé la scène avec son téléphone. Il a lu le nom de l'agent et son matricule à voix haute et a dit au policier que tous ses renseignements personnels seraient diffusés sur l'internet dans les prochaines heures. «Et ils l'ont été», s'est souvenu le manifestant, qui a raconté son histoire à une table ronde du festival multidisciplinaire South by South West. «J'ai fait appel aux gens d'Anonymous. Je savais qu'ils le feraient.» Difficile de lire les nouvelles sans tomber sur le nom d'Anonymous depuis quelque temps. En février, le groupe a infiltré la boîte courriel du président syrien Bachar al-Assad et révélé au monde qu'il se moquait des journalistes occidentaux, avait sans doute une maîtresse et avait téléchargé Sexy and I Know It de LMFAO sur iTunes pendant que l'armée nationale syrienne bombardait Homs. Le mois dernier, des courriels internes confidentiels de l'agence de renseignement américaine Stratfor ont été diffusés sur le net par WikiLeaks, qui les avait obtenus d'Anonymous. Au début du mois, le FBI a arrêté cinq pirates liés à Anonymous - deux au Royaume-Uni, deux en Irlande et un à Chicago. Ils étaient liés à Hector Xavier Monsegur, pirate informatique de New York arrêté par le FBI en juin dernier, qui a depuis accepté de collaborer avec les autorités et de dénoncer ces collègues. Ces arrestations ont provoqué une onde de choc dans la communauté des pirates. «Ç'a été un moment assez saisissant, affirme Gregg Housh, ex-hacker qui s'exprime au nom d'Anonymous (voir autre texte). Mais ça n'a pas duré. Beaucoup de gens qui ne s'étaient pas manifestés depuis des mois ou des années sont apparus. Ils se sont mis au travail. Les arrestations ne leur ont pas donné la trouille: elles les ont mis en colère.» Nouvelle ère Le collectif Anonymous dit défendre la justice, la liberté de presse, la liberté d'expression, le droit à l'anonymat en ligne... et n'hésite pas à enfreindre la loi pour parvenir à ses fins. Qui fait partie du collectif? Difficile à dire: toute personne qui a des connaissances de base en programmation peut prétendre faire une frappe au nom du groupe. Le groupe diffuse des vidéos sur YouTube pour signaler ses intentions. Encore là, n'importe qui peut monter ces vidéos. Selon Milton L. Mueller, professeur à l'École des études de l'information à l'Université de Syracuse, Anonymous représente une nouvelle ère dans l'histoire du piratage informatique. «Avant, les pirates agissaient individuellement ou en petits groupes, dit-il. Avec Anonymous, on observe une action collective bien plus organisée, et les attaques sont justifiées par une idéologie mieux structurée. Même s'ils faisaient ça pour le plaisir, comme les pirates le faisaient dans le passé, le groupe est beaucoup plus important.» Le réalisateur californien Brian Knappenberger a commencé à s'intéresser à Anonymous en 2008, quand le collectif s'est mis à attaquer l'Église de scientologie, dont le site web a été détourné. C'était la première fois que les scientologistes faisaient l'objet d'une offensive aussi directe. «Ils ont attaqué l'Église de scientologie sur l'internet, mais ils ont aussi organisé de véritables manifestations dans la rue, explique M. Knappenberger. J'ai trouvé ça étrange et fascinant. C'était presque de la science-fiction», explique-t-il. À la fin de 2010, Anonymous a attaqué les sites web de MasterCard, de Visa et de PayPal pour protester contre leur décision de bloquer le financement de WikiLeaks. C'est à ce moment que M. Knappenberger a décidé de faire un documentaire sur le collectif, intitulé We Are Legion. Selon lui, ce que le groupe représente aujourd'hui est «du jamais vu». «Aujourd'hui, nous sommes plutôt à l'aise avec l'internet, toutes nos données s'y trouvent. Parallèlement, il y a un aspect sinistre à tout cela, avec la surveillance, l'espionnage... Au milieu de tout cela, il y a Anonymous. C'est un produit de notre époque. Ça n'aurait pas pu se produire il y a 10 ans à peine.» Pas de statu quo Cette semaine, le directeur sortant de l'unité de lutte contre la cybercriminalité du FBI, Shawn Henry, a soutenu que le gouvernement était «trop faible» pour espérer arrêter les pirates informatiques. «Je ne vois pas comment nous pourrions reprendre le dessus sans changer notre comportement, notre technologie. Le statu quo n'est pas une solution: nous ne réussissons pas à reprendre les devants, à créer un modèle qui assure la sécurité», a dit M. Henry au Wall Street Journal. Milton L. Mueller croit lui aussi que les pirates, y compris ceux d'Anonymous, ont plus de pouvoir qu'on pourrait le croire. «Je crois qu'ils peuvent causer des dommages aux organisations qu'ils visent, mais ce n'est pas comme s'ils planifiaient des assassinats ou des choses du genre. Selon certaines rumeurs, ils auraient l'intention de s'en prendre aux serveurs DNS [NDLR: les fondations de l'internet]. Cela représente un danger important, et c'est aussi d'une grande stupidité, car tout le monde, pas seulement les méchants, serait touché par un tel geste, s'il est réalisable.» Près de quatre ans après leur première apparition dans les rues, les partisans d'Anonymous sont toujours visibles. Mardi, Brian Knappenberger est allé à Los Angeles au cours de la manifestation en l'honneur de Trayvon Martin, cet adolescent abattu en Floride le mois dernier par un milicien de quartier. «J'y allais pour prendre des images pour un tout autre projet, dit-il. Dans la foule, je suis tombé sur des gens d'Anonymous.»


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