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La Grenouillère, étoile filante?

Publié le 26 mars 2008 par Chrisos

La Grenouillère, étoile filante?
La Grenouillère, auberge, restaurant.
Route de la Grenouillère, 62170 La Madelaine sous Montreuil.
Tél. : 03 21 06 07 22. Site Web.

Quand on lit le Fooding, on a envie de décrocher son téléphone et d’y aller tout de suite. Le récit lu sur GoT fait également saliver (pour une grenouille, baver serait plus approprié). Une étoile au Michelin (promotion 2008) pour le chef de la Grenouillère, Alexandre Gauthier, 28 ans, membre de Générations C. Il n’en faut pas plus pour que je décroche mon téléphone et que je réserve une table pour deux, pour le dîner du dimanche de Pâques (une semaine avant, c’était complet samedi midi et soir et dimanche midi). Philippe Toinard (qui ne cache pas ses bons rapports avec Roland et Alexandre Gauthier) décrit la Grenouillère comme la meilleure table de la région.

Bien sur, une semaine avant un week end de trois jours, l’Auberge était complète, mais heureusement, je trouve de la place dans un hôtel de Montreuil (sur Mer) intra muros (si si, il y a des remparts), histoire de pouvoir profiter au maximum de cette expérience et de ne pas avoir trop de route.

Passé vers 19h pour repérer les lieux et vérifier que la neige sur la route ne sera pas un problème, j’en profite pour entrer, confirmer ma venue. La lecture de la carte à l’entrée est alléchante. C’est une jeune femme qui m’accueille et me montre la table qui nous a été réservée, une table carrée dans la salle de gauche. La déco est contemporaine et assez sobre, si l’on fait abstraction des kitscheries batraciennes. La salle à manger est un peu basse de plafond, poutres apparentes. La table, près d’une fenêtre, m’a l’air pas mal du tout.

Nous revenons un peu avant 21h. Accueil standard, on nous prend nos manteaux, puis, c’est Roland Gauthier, en habit de chef qui nous accueille. Lui, c’est le père du chef, le propriétaire, qui avait une étoile Michelin jusqu’au début des années 2000. Il a cédé la place à son fils en cuisine, mais est toujours présent : il fait un peu l’accueil, prend les commandes et fait les additions. Nos vestes prises, il nous entraine dans la salle face à la porte. Je m’étonne parce qu’on m’avait montré une autre table tout à l’heure, occupée à présent par un homme d’une soixantaine d’années et une femme d’origine sud-asiatique. La table ronde, juste à côté est encore libre et nous est attribuée. Derrière moi, une table carrée avec une mère et sa fille. Il y a deux autres tables “familiales” dans cette salle. Près de la cheminée, il y a déjà deux femmes, deux jeunes filles et un homme en plein menu “dégustation”. Sur l’autre table, un groupe de cinq personnes débarquera vers 21h30 et prendra aussi le menu à 80€.

La table est plutôt grande, verres Riedel, jolis couverts, superbe assiette. Pour chipoter un peu, on remarquera malgré tout que fourchette et petite cuillère ne sont pas disposés comme il faut. Ce n’est qu’un détail, certes…

La Grenouillère, restraurant, Montreuil

Une serveuse vient nous demander ce que nous voulons boire. Je lui réponds : “Une carafe d’eau, s’il vous plait”. -”La carte des vins?”. -”Oui, une carafe d’eau et la carte des vins”. La carafe d’eau arrivera vite, presque en même temps que la carte des vins. C’est Pâques, il y a le choix entre un menu en 7 services et la carte. On nous apporte quelques bonnes chips, avec une émulsion au vinaigre un peu trop aigre. Pas envie de tenter le menu, puisqu’Oanèse n’est pas fan de quelques ingrédients (moules, certains poissons).

La Grenouillère, restaurant, Montreuil

Saint Jacques à crue/condiment mango-mango (25€, sans doute un jeu de mot crue, à cru?) pour Oanèse, Gnocchi/truffes d’hiver/artichaut (30€) pour moi. Suivra la composition végétale de saison : légumes de saison en différentes cuissons / gnocchis de pommes de terre / mousse végétale (30€), que nous partagerons à deux. Homard rôti/petits choux/fumé minute sous cloche en verre (45€) pour Oanèse, Ris de veau on (cuit au lait, pour préserver son goût et ne pas le “contaminer” par les matières grasses, dixit M. Gauthier), champignons filaires, dés de citron (et de gingembre?) (34€) pour moi. La commande des plats étant prise, Gauthier père nous souhaite bon appétit.

La carte des vins est sur notre table depuis près d’un quart d’heure, nous avons eu le temps de la parcourir. Une mise en bouche arrive moule frite new look : une frite (de riz, je l’ai appris après?)+2-3 mini-moules sur une brochette, dans un verre, fond de sauce hollandaise. C’est joli, c’est bon, la frite seule, est étrange, un peu sèche, la hollandaise est plus réussie que la sauce vinaigre des chips, par contre, ça a l’air tellement riche qu’on n’ose pas finir la sauce à la cuiller, ni saucer avec du pain. Pain de seigle pour Oanèse, gros pain blanc (campagne) pour moi. Le cœur des tranches a une texture originale, encore humide, un peu baveux, ça change, c’est intéressant. Il y a aussi une mini-baguette, dont je ne suis pas fan. L’amuse bouche terminé, le pain aussi (nous avions demandé du beurre, nous en aurons, du doux et du demi sel, bons tous les deux), nous attendons. Je n’ai plus la chronologie exacte, il me semble que le vin (un Tokay pinot noir d’Alsace 2003, 45) a été commandé, par contre, il n’est toujours pas arrivé. C’est bien, de temps en temps, de laisser le temps passer, mais il ne faut pas que ça traine trop non plus…

La Grenouillère, restaurant, Montreuil

Quelques temps après, le sommelier arrive enfin avec la bouteille de vin (la cave n’est peut-être pas à côté?)… Belle teinte qui tire très légèrement vers le saumon, par contre, je le trouve un peu trop frais. Moelleux, un peu gras, agréable. Ouf, ça va!

Les entrées arriveront vers 21h50, à gauche, les St Jacques, à droite, les gnocchis. Très belles assiettes, mais trop grandes par rapport à ce qui est servi… Cela ne fait qu’accentuer le côté chiche, c’est dommage! Sauf si les assiettes se mangeaient, mais ça ne se devine pas… Les St Jacques, crues, coupées en fines tranches, sont déposées sur un lit de mangue + une touche de sauce/coulis à la mangue (d’où le mango-mango, vu que je n’ai pas vu de haricots mango). Bons produits, tranches de St Jacques goûteuses (y a-t-il plus d’une noix? deux à la rigueur!), mais pour la mangue, celle que j’ai achetée chez Mireille rue de Verneuil il y a deux semaines était autrement plus savoureuse. C’est bon, mais la créativité de cette entrée ne me touche pas plus que ça. Il y a peut-être un côté purement technique, mais que je ne retrouve pas lors de la dégustation. Bon, mais rien d’extraordinaire. Pour une raison que j’ignore, il sera facturé 30€ au lieu des 25€ annoncés.

Mon entrée (gnocchis, truffe noire d’hiver, artichaut) est plus réussie, heureusement. Gnocchis fondants, très agréables. Avec la truffe, c’est extra. Artichauts pas mal, mais ils passent au second plan. Bonne sauce légère. J’en aurais bien mangé un peu plus… Entrée réussie. Rien de comparable avec les St Jacques, facturées le même prix!

La Grenouillère, restraurant, Montreuil
La Grenouillère, restraurant, Montreuil

Nos assiettes sont vite liquidées, elles partent au bout de cinq minutes. Mon assiette à pain, par contre, est tristement vide ; il ne reste plus qu’une gorgée de vin dans mon beau verre Riedel… Patience.

La Grenouillère, restraurant, Montreuil

La serveuse ressert en pain la table d’à côté, qui en est au fromage. Il a l’air au régime ce plateau, il ne nous donne pas très envie! Pas de fromage, nous n’en sommes pas encore là, par contre, du pain ne serait pas de refus! Pour le prochain passage…

La Grenouillère, restraurant, Montreuil

Un peu de vin et une tranche de pain demandés après, nous avons le temps d’observer nos voisins et leurs assiettes. je fais remarquer à Oanèse quelques ressemblances avec le service madrilène : à la Madelaine, ça traine. La table de cinq arrivée avant nous reçoit deux plats, puis, deux minutes après, les trois autres plats (ils ont pris le menu, donc tout le monde a la même chose). Une bonne minute après, la sauce qui va avec ces plats arrivera! Même scénario pour la mère et la fille derrière moi : l’accompagnement arrivera 2-3 minutes après, alors que la selle d’agneau était déjà entamée. La sauce sera refusée. Après l’heure, ce n’est plus l’heure…

L’arrivée de la composition végétale partagée en deux arrive, ce qui nous permet de nous recentrer sur notre table et notre assiette. Là encore, j’ai coupé et re-cadré la photo, pour qu’on voit (un peu mieux) ce demi-plat. Pas mal, mais les deux gnocchis (”qu’il faut goûter” d’après Gauthier père) par assiette résistent mal à la comparaison avec les gnocchis et truffes. Légumes de saison bons, cuisson réussie, mais rien d’exceptionnel ni de très marquant au goût. Cela se mange bien (et vite, parce que là encore, ce n’est pas très généreux!).

La Grenouillère, restraurant, Montreuil

Les assiettes sont débarrassées. Les couverts propres arrivent peu après. On attend la suite. Avec plus ou moins de patience. Ce sera Oanèse qui craquera en premier et qui redemandera du pain pour moi. On me resservira.

Le homard arrive, tout beau dans sa cloche (pour le fumé minute). Parce que ça commençait à sentir le traquenard… Le ris de veauon” arrive aussi, avec ce qui ressemble à des champignons super fins et des dés de citron (et gingembre?) archi fort. Nous avons chacun le temps de prendre des photos des plats, de manger un morceau de pain, quand paf! Nous aussi, nous sommes tombés dans la panneau. Ignares que nous sommes, nous avions pourtant remarqué de la latence dans le service. Une verre haut et étroit, avec une émulsion de pommes de terre, arrive comme accompagnement pour chacun de nos plats. Une mini saucière avec du jus de citron arrive aussi, on m’en sers d’office sur le ris de veau, en me laissant la mini saucière à côté au cas où j’en voudrais plus. Et si je n’en voulais pas? Trop tard. La grenouillère nous aura à l’usure. Une brioche au beurre, sel de Guérande, sera servie avec les plats. Oanèse a bien aimé, moi, ça m’a laissé de glace.

Le ris de veau est pâle, imposant. À la limite entre fondant et fermeté, la texture est agréable. Le goût est fortement citronné, à cause de la sauce, et encore plus si l’on prend un petit morceau de cube de citron. La version ON devait préservé le goût originel du ris, pourquoi imposer l’acidité du citron? Les mini champignons ne m’ont pas marqué, le ris est bon, malgré l’overdose de citron. On en vient à bout sans trop se forcer, même si on finit un peu par se lasser à la fin. La prochaine fois, il faudra me donner le mode d’emploi!

Enfin, ce n’est pas un homard, mais du homard, sur un lit de choux de Bruxelles. Le choux de Bruxelles, je n’aimais pas ça avant et je ne suis pas plus fan après. Le homard, j’aime bien et je dois dire que ce que j’ai mangé était très bon et m’a redonné un peu le sourire.

La Grenouillère, restraurant, Montreuil
La Grenouillère, restraurant, Montreuil

Apercevant les crêpes suzette préparé pour le couple franco-asiatique, la quantité de beurre utilisée nous en détourne. La salle prend d’ailleurs un ou deux degrés de plus. Les desserts servis à la mère et à la fille plairaient bien à une anorexique. Le dessert au chocolat et celui à la poire gingembre semblent être des miniatures. Nous sommes sur le point de botter en touche et de sauter le dessert, pour rentrer au plus vite en ville et se prendre une bonne vieille gaufre. Puis on se dit qu’un palet de pommes/pomme caramel (12€), ça doit être du solide.

Pour patienter, on nous sert encore une miniature (de grâce, achetez-vous des plats plus petits si vous servez des mini portions). Désolé, il y avait de l’ananas, mais je ne sais plus ce que c’est exactement!

La Grenouillère, restraurant, Montreuil

Le palet de pommes/ pomme caramel arrive et la serveuse nous annonce qu’ils nous ont fait une fleur : impossible de partager ce dessert en deux, donc nous aurons droit à deux desserts complets. Enfin, complet, c’est relatif… Pour moi, palet ça évoque quelque chose de rond et de breton. Mais je suis sans doute naïf… Le seul truc rond, c’est l’assiette. Certes, c’est très joli, la mise en scène est recherchée. Une bande de caramel, une autre de pâte/compote de pomme, des dés de pomme recouverts de caramel, une antenne de caramel et un peu de doré.

La Grenouillère, restraurant, Montreuil

Très très surprenant, vraiment original, au niveau de la présentation en tout cas. Dans la bouche, on s’amuse deux minutes du mélange de texture et des déclinaisons de goût. J’aime bien me creuser la cervelle pour essayer de trouver l’originalité ou l’effort dans un plat, mais si je ne ressens rien de spécial au niveau gout, je suis déçu. J’aime bien les pommes légèrement acides et encore croquantes. Là c’était doux et un peu ramolli à cause du caramel. No dessert for me. Merci quand même pour le second dessert offert.

Pas de cafés, et l’envie de ne plus rester très longtemps. Heureusement, finalement, que nous ne dormons pas sur place. Ouf, c’est presque fini! Mignardises quand même. Barbe à papa fun, avec une guimauve légèrement chocolatée au cœur. Fleur de caramel (à la fraise ou à la framboise, selon les tables ou les serveuses) : pas mal, amusant. Unanimité pour les chouquettes, parfumées à la fleur d’oranger, toutes simples et légères, que nous terminerons toutes.

La Grenouillère, restraurant, Montreuil
La Grenouillère, restraurant, Montreuil

C’est presque fini, ce fut long, un peu triste, décevant en tout cas! Nous nous levons pour payer et récupérer nos manteaux. C’est Roland Gauthier qui fait notre addition, à la main, puis à la calculatrice. D’où viennent les 30€ d’apéritif? Il corrige, cela ne fait “que” 226€. J’ai un doute sur l’entrée à 25 ou 30€, mais je ne rêve que d’une chose, partir. Les 4€ de monnaie resteront sur le plateau, on peut difficilement laisser moins, malgré ce service catastrophique. Lorsqu’il nous demande comment c’était, je réponds, un peu crispé, avec un “bien”, un peu sec. Good en anglais, où il y a un certain décalage au niveau des superlatifs, c’est tout juste moyen. En effet, par rapport à nos attentes et aux moments formidables que nous espérions passer à la Grenouillère, c’est très moyen.

Cuisine inventive, certes, mais résultat plus mitigé dans l’assiette. La faute aux autres expériences et références récentes (Ze Kitchen Gallery, la Laiterie, le Grande Cascade, L’Arpège, le Sa.Qua.Na.)? Au niveau du budget, pour une adresse où le prix au mètre carré est le plus bas, c’est surprenant de payer autant, alors que niveau plaisir, on pourrait tellement mieux faire! Est-ce du à l’absence de concurrence dans la région? ll y a pourtant d’autres étoilés Michelin, plus traditionnels certes et plus sages, avec sans doute moins de surprises, dans la région.

En essayant d’avoir des feedbacks (post à chaud, et groupes facebook), je me dis que nous n’avons pas eu de chance. Pourtant, il y a des choses que je ne m’explique pas.

  • J’étais surpris de voir le “chef” faire l’addition et j’en avais déduit qu’il y avait un problème, du peut-être à l’absence du directeur de salle. Je n’ai pas vu où était Alexandre Gauthier (sans doute dans sa cuisine), mais le directeur de salle, ça devrait être Roland Gauthier, finalement pas présent dans notre salle. Du coup, ça faisait n’importe quoi. C’est l’ex chef qui faisait l’addition. Il aurait pu un peu surveiller ce qui se passait en salle. Le fait que les clients soient répartis dans 2-3 salles ne simplifie pas la tâche, certes, mais je soupçonne le patron d’avoir discuté avec des amis ou habitués et d’avoir un peu négligé les autres…
  • Nous avons supposé que les plats étaient nouveaux, d’où des soucis en cuisine et des problèmes de service et de synchronisation. La majorité des plats existait depuis plusieurs semaines voire des mois. Je ne comprends pas cette inconstance.
  • Le chef se veut créatif, ce qui est très bien, mais la constance, c’est très important aussi. Je n’ai pas vraiment été emballé par l’ensemble, à part quelques plats, c’était bon, mais sans plus. Par contre, au niveau des portions servies, ce n’est pas énorme, et on dirait qu’il y en a encore moins que sur des photos vues ailleurs (il parait que ce sont des photos “com”, donc, comme au Mc Do, ça a l’air meilleur et plus copieux qu’en vrai). Encore un problème de constance?
  • Peut-être que nous avons mal démarré et que nous sommes restés sur cette impression? Je ne crois pas, pour avoir vécu une situation très similaire (un raté de taille au début, qui aurait pu tout gâcher, mais où finalement, après ce faux départ, tout s’est très bien déroulé), il y a peu, je ne pense pas que ce raté soit uniquement dans ma tête.
  • À moins que… et si la grenouille voulait se faire boeuf? Je sais elle est facile celle là, mais parfois le succès montre trop vite à la tête…

Bref, même si ce n’est pas si grave, c’est très contrariant. Comment se fait-il que cette expérience se soit avérée si décevante? Toutes les explications et éclaircissements sont les bienvenus.


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