Magazine Cuisine

De l'ardente nécessité d'apprendre le vin

Par Mauss

Un des récents sujets de ce blog a été la haute relativité des notes de dégustation, tant chacun a son palais, son goût personnel, et tant la dégustation d'un vin est fondamentalement relative à un contexte, des circonstances, des qualités du dégustateur et de son approche personnelle au vin.

Beaucoup de jolis commentaires sur la chose ont apporté pas mal d'idées, de complémentarité à une assertion excessive, au point qu'il nous paraît important de repartir dans l'autre sens.

Si on peut trouver quelques génies (non, je n'ai pas cité le bonobo) sachant dire des choses intelligentes sur un cru sans aucune éducation en la matière, l'expérience personnelle montre à l'évidence que la noble route n'est fréquentable qu'avec un guide, un maître, des maîtres, qui vous expliquent, mains dans la main, la route serpentine, les choses à voir et regarder de chaque côté, le rythme à suivre, les fondamentaux à mémoriser. Bref, une réelle éducation, le but de chaque maître devant être, comme en musique ou en art, que l'élève puisse ensuite cheminer seul avec un solide bagage qu'il lui aura transmis.

Ce qu'on peut apprendre d'un maître.

Aparté : appris ce matin d'un libraire à Metz, passionné par un ouvrage qui vient de sortir sur Carlos Kleiber "Musique Absolue", un moto à retenir : 

"On ne souligne pas les majuscules"

J'ai donc eu la chance énorme, dans les années 80 et 90, d'avoir comme amis (ils le sont toujours) de véritables pro comme Michel Dovaz, Michel Bettane, Didier Bureau, Eric Beaumard, Philippe Bourguignon et Bertrand Le Guern, un franc tireur comme pas deux.

Chacun d'eux a sa propre vision du vin, naturellement, mais les faits montrent qu'à très haut niveau, ils sont presque toujours en harmonie de jugement, d'opinions.

Que doit-on apprendre en premier ?

Bien sûr, les choses de base qu'on trouve dans tous les bons ouvrages : comment se fait le vin, le rôle de la terre, du climat, du cépage, de l'homme. Ce qui est bien, c'est de passer aux travaux pratiques en suivant une vendange et les fermentations dans un domaine où vous serez discret, quasi transparent. Pour bibi, ça été avec Jean Gautreau et le Père de Jean-François Coche-Dury. Des références.

Ensuite, il est important de vite percevoir les pièges de la facilité. Dans les années 80/90, c'était manifestement les "filles-fleurs" (référence à Parsifal) des apports des excès de bois neuf qui vous donnaient le sentiment de dire un peu vite : "ça y est, j'ai trouvé, eureka, la vanille" alors même que ces maîtres commençaient déjà à trouver ces goûts dominants bien excessifs.

Puis vinrent les découvertes trop faciles des vins-confiture, bodybuildés à outrance… mais c'était l'époque où on admirait Stallone :-) Comme en sus, on s'appuyait sur le nouveau guru Parker, on se sentait presque inscrit dans le cénacle des connaisseurs ! Quelle indigne suffisance. 

Mais bon, mais amis avaient et ont toujours, une indulgence largement au-dessus de la moyenne et se disaient qu'avec un olibrius comme moi, il fallait de la patience, et que pour le nobel du vin, on repasserait ! Bref, j'ai eu ma période amoureuse du bois neuf.

Et alors, tout doucement pour ne pas effrayer la bête de facilité qui tapissait mes neurones, ces maîtres m'ont doucement orienté vers les finesses du pinot noir, vers cet étage supérieur du vin qui fait que les bordeaux sont des vins de raison, de tête alors que les trop rares grands côtes de nuits sont des vins de passion, de coeur.

Je leur en suis infiniment gré et redevable. En blanc, le cheminement alla du chardonnay - qui peut être grandiose - au riesling - qui lui, peut être sublime.

Jamais la convivialité n'a manqué dans nos échanges. Jamais de non-respect de l'opinion d'autrui, simplement une immense patience, un sens de l'écoute et de la compréhension, et un langage accessible (point de mots techniques justes bon à ébouriffer le quidam de base), ce qui n'est pas peu en la matière.

Merci à ces maîtres et comme quoi, il fallait un retour de pendule aux billets précédents, ne serait-ce que pour présenter les deux faces d'un complexe problème : l'apprentissage du vin et comment communiquer ses sentiments en la matière.


Retour à La Une de Logo Paperblog