… dans la tendance Toutain/Grébaut/Akrame, le chef impose un style plus évident et moins modeux …
Une salle fraîche, aérée, un décor sobre, tables et chaises en bois, banquettes d’un vert pomme acidulée, grand miroir pour agrandir l’impression d’espace, quelques tables sur le trottoir… tous les codes du moment du nouveau bistrot installé dans un quartier faussement popu sont au rendez-vous. Même chose pour l’accueil, décontracté of course, nature comme les vins à la carte, serveuse sympa « qui se prend pas la tête », Madame en salle pour gérer le succès arrivant à grand pas, et Monsieur en (petite) cuisine pour sortir des plats d’une intelligence et d’un instinct remarquables.William Pradeleix (Will c’est lui !) vient du restaurant Manger (Cf. rubrique Restaurants Paris) de bonne réputation avec sa cuisine au grand cœur. Auparavant Londres (Hélène Darroze), Bora Bora pour prendre l’air du large, San Francisco, et quelques belles tables françaises.
Vocation précoce, formation sérieuse, ambition justifiée, et talent à tous les étages. Dans la tendance Toutain/Grébaut/Akrame, le chef impose un style plus évident, moins recherché peut-être mais aussi moins modeux, et plus marqué par des ingrédients, herbes, épices, préparations, venant d’Asie en général et du Japon en particulier, à travers une carte certes courte mais parfaitement limpide sur les intentions et les réalisations.Le chef joue sur des produits actuels, parfois rares, et des alliances sur trois saveurs de base. Des réussites souvent, du bancal parfois, mais dans tous les cas une cuisine vivante, qui prend des risques calculés, et qui ira très vite en s’affirmant comme passionnante à suivre et surtout à goûter, grâce à des prix très serrés.
Carpaccio de maigre, citronnelle, vinaigrette gingembre, une illustration du style du chef, poisson superbe, bouillon délicat, un plat d’une réussite parfaite. L’alliance des Asperges blanches et de la rhubarbe rafraîchie, découverte un jour chez le chef Claude Colliot, est parfaitement équilibrée, avec une mouse dashi (bouillon d’algues et de bonite séchée) pour secouer le tout. Original et réussi. Un dernier tour de piste pour les Saint-Jacques rôties, asperges vertes, mousseline mangue gingembre pour un énième tic occident/orient et paradoxalement un peu fade. Tout le contraire d’une splendide Poitrine de cochon confite du Cantal, premiers artichauts, jus façon teriyaki (sauce soja un peu sucrée), à la cuisson parfaite, fondante et croustillante à souhait, pour un plat franchement excellent.Pour les vins, le choix exclusif d’une très petite sélection de vins nature est éminemment discutable, tant par la fragilité de ces vins que pour leur côté « pas finis » qui plombent un peu les accords mets et vins. Les choses vont changer devant la difficulté de gestion des stocks et des bouteilles impossibles à servir après le transport. Ainsi d’un Touraine cuvée Silex, proche de l’imbuvable, ou d’un Côtes-du-Rhône Domaine Elodie Balme, épais, trop fuité, et sans finesse (verre de 5 € à 7,50 €).
Desserts d’une subtilité rare et d’une délicatesse étonnante, tant sur les saveurs que sur les textures : Panna Cotta, basilic thaï, ananas rôtis, sorbet mangue et le Tout choco, sésame, caramel beurre salé. Les deux font la paire digne d’un carré d’as…
Un chef au talent éclatant, qui va se peaufiner maintenant qu’il est chez lui et peut enfin exprimer ce qu’il a envie de faire.
75, rue Crozatier
75012 Paris
Tél : 01 53 17 02 44
M° : Ledru Rollin
Fermé dimanche et lundi midi
Formule midi : 19 € (2 petites entrées + plat du jour ou plat du jour + dessert)
Plat du jour : 14 €
Carte : 45 €