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Peindre l’Amérique à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne

Publié le 23 août 2014 par Elisabeth1

L' exposition de la Fondation de l'Hermitage à Lausanne : Peindre l’Amérique Les artistes du Nouveau Monde (1830 -1900)  est visible jusqu'au 26 OCTOBRE 2014

Edward Lamson HENRY, gardée en retenue 1889

Edward Lamson HENRY, gardée en retenue 1889

A l’occasion de son 30ème anniversaire, la Fondation de l’Hermitage présente une exposition exceptionnelle consacrée à la peinture américaine du XIXe siècle. Centrée autour des genres du paysage, du portrait et de la nature morte, cette manifestation réunit un ensemble d’œuvres réalisées entre 1830 et 1900, et pour la plupart présentées pour la première fois en Europe. Encore peu connue du grand public européen, la peinture américaine, dont l’essor fut considérable au XIXe siècle, est présentée au travers de plus de 90 œuvres.

Le paysage est à l’honneur, avec les artistes de la Hudson River School (Thomas Cole, Jasper F. Cropsey, Albert Bierstadt, Frederic E. Church et Thomas Moran) et du mouvement luministe (John Kensett, Fitz Henry Lane).
Aux côtés de plusieurs portraits d’Amérindiens peints par George Catlin, sont également réunis des scènes de la vie quotidienne et des portraits réalisés par Thomas Eakins et Richard C. Woodville.
Enfin, des tableaux de William M. Harnett, John F. Peto et John Haberle illustrent le renouvellement profondément original du genre de la nature morte.
Un magnifique ensemble de photographies regroupant des paysages et des portraits d’Amérindiens complète la présentation.

Thomas Cowperthwait Eakins

Thomas Cowperthwait Eakins

La grande majorité des œuvres provient de musées américains de premier plan (Pennsylvania Academy of the Fine Arts de Philadelphie, National Gallery of Art de Washington, Terra Foundation for American Art de Chicago, Los Angeles County Museum of Art, ...), ainsi que d’importants musées européens (Museo Thyssen-Bornemisza à Madrid, Musée d’Orsay et Musée du Quai Branly à Paris, musée cantonal de Lausanne …).

Eastman Johnson, Hirondelles de Grange 1878

Eastman Johnson, Hirondelles de Grange 1878

 En 1763, Benjamin Franklin, l’un des Pères fondateurs des Etats-Unis, énonce clairement l’ordre des priorités de la jeune nation : « Quand nous en aurons fini avec les nécessités de la vie, nous songerons à ce qui l’embellit. » De fait, le projet initial de démocratie autonome américaine n’a pas pris en compte le rôle que l’art pourrait jouer dans une nation naissante. Contrairement à leurs homologues européens, les artistes ne bénéficient ni du mécénat royal ou aristocratique, ni de commande pour des décors d’église dans un pays en majorité protestant. En outre, il faut attendre 1805 pour voir la création du premier établissement destiné à enseigner l’art et à rassembler des oeuvres sur le sol américain : la Pennsylvania Academy of the Fine Arts, fondée à Philadelphie par le peintre Charles Willson Peale (1741- 1827), dont l’autoportrait est présenté. Tout au long du XIXe siècle, les artistes cherchent à s’affranchir du poids des modèles européens et à rendre l’«américanité», l’identité propre à leur pays. Cette quête passe par la recherche de sujets typiquement américains, parmi lesquels la nature grandiose et envoûtante occupe une place centrale dès les années 1830.

Thomas Cole, Vue sur le Schoharie

Thomas Cole, Vue sur le Schoharie

La première génération d’artistes de la Hudson River School peint la nature en exaltant la beauté immaculée des territoires vierges et leur splendeur dramatique. A partir des années 1850, une deuxième génération de peintres de paysage adopte une approche différente, moins topographique, plus attentive aux atmosphères lumineuses. Les oeuvres de ce groupe d’artistes, qu’on appellera plus tard les « luministes », se caractérisent par une perception poétique du paysage, souvent paisible et solitaire. Ils délaissent le sublime et les effets spectaculaires au profit d’un lyrisme tranquille, à travers lequel le peintre exprime ses émotions.

Fitz Henry Lane, port de Boston au soleil couchant vers 1850-1855

Fitz Henry Lane, port de Boston au soleil couchant vers 1850-1855

De dimensions généralement plus modestes, ces toiles sont peintes dans des tonalités douces qui renforcent leur ambiance intime et contemplative. Leur précision extrême, probablement influencée par la photographie naissante, va de pair avec une facture lisse où les coups de pinceau deviennent presque invisibles. Véritables sujets des tableaux, les modulations de lumière sont rendues avec une infinité de nuances dans des ciels immenses, des brumes diffuses ou des reflets aquatiques. Sous l’oeil des peintres luministes, la nature est désormais apaisée.

Frederic Edwin Church Morning in the Tropics | Matinée sous les tropiques, vers 1858

Frederic Edwin Church Morning in the Tropics | Matinée sous les tropiques, vers 1858

Enraciné dans la tradition picturale hollandaise et anglaise, le portrait connaît un essor considérable en Amérique aux XVIIIe et XIXe siècles. Dans un contexte peu favorable à l’expression artistique, le portrait est, dans un premier temps, une des seules formes d’art permettant aux peintres de vivre de leur talent. La naissance de la jeune nation stimule en effet la réalisation de portraits patriotiques, en particulier ceux des Pères fondateurs. De même, la classe marchande émergente commande une multitude de portraits destinés à orner les intérieurs bourgeois.

Jusqu’au début du XIXe siècle, le portrait laisse toutefois peu de place à l’inventivité et à la créativité de l’artiste. La ressemblance au modèle prime avant toute chose, ce qui n’est pas sans rappeler la démarche rigoureusement naturaliste qu’adoptent les peintres de paysage. Par contre, le choix des sujets permet aux portraitistes d’affirmer leur originalité vis-à-vis des modèles européens. En choisissant de représenter un chef de gang, un cow-boy, un ouvrier ou de riches citadins, ils nous plongent au coeur même de la société américaine.

Thomas Cowperthwait Eakins, Au Ranch, Cowboy à la guitare

Thomas Cowperthwait Eakins, Au Ranch, Cowboy à la guitare

Si le paysage joue un rôle essentiel dans la construction du sentiment artistique national, il en va de même pour la peinture de la vie quotidienne, dans tout ce qu’elle a de plus prosaïque. Un des objectifs des artistes est d’affirmer la rupture avec les traditions européennes par la représentation d’activités et de personnages américains : travaux agricoles, commerces, réunions politiques, trappeurs, bateliers ou encore cow-boys. Le choix des artistes de montrer des scènes familières répond aussi au souhait de toucher un public moins élitiste, qui se reconnaît dans ces évocations des réalités ordinaires et qui retrouve dans ces tableaux les valeurs morales qui cimentent la nation.

Louis Comfort Tiffany, le moissonneur, vers 1879-1881

Louis Comfort Tiffany, le moissonneur, vers 1879-1881

La peinture de genre ne s’intéresse guère aux aspects plus sordides de la réalité américaine, sans doute parce qu’il n’existait pas de marché pour ces sujets. Quand ils sont représentés, les Noirs sont bien souvent cantonnés dans des rôles de second plan. Le sort misérable des immigrés à New York est lui aussi rarement abordé par les artistes. Quant aux Indiens, de nombreuses peintures détaillent leur mode de vie traditionnel dans des paysages grandioses, mais les bouleversements dramatiques que connait leur société sont passés sous silence.

George Catlin Portrait de Mu-ho-she-kaw (Nuage blanc), Chef des Ioways du Haut- Missouri, vers 1845-1846 huile sur toile, 81 x 65 cm Paris, Musée du quai Branly

George Catlin Portrait de Mu-ho-she-kaw (Nuage blanc), Chef des Ioways du Haut- Missouri, vers 1845-1846 huile sur toile, 81 x 65 cm Paris, Musée du quai Branly

La photographie est adoptée dès son arrivée sur le sol américain en 1840. Dans un pays où la fidélité à la nature est au coeur des préoccupations artistiques, elle apparaît comme le médium idéal pour transcrire la réalité de manière objective. Le portrait est très rapidement popularisé grâce aux nombreux studios qui s’ouvrent dans les villes et aux photographes ambulants qui sillonnent les campagnes. Dans la seconde moitié du siècle, des tentatives de recensement des Indiens sont également menées par le biais du portrait photographique. A partir de la guerre de Sécession, la photographie joue aussi un rôle de premier plan dans la pratique du reportage et du documentaire.

Gardner Two Strikes

Gardner Two Strikes

Tout au long du XIXe siècle, les Etats-Unis acquièrent et intègrent de nouveaux territoires à l’Ouest: la Louisiane en 1803, l’Oregon en 1846, les provinces mexicaines situées au nord du Rio Grande en 1848 ou l’Alaska en 1867. Afin de cartographier ces espaces immenses et d’inventorier leurs ressources, des missions d’exploration sont lancées par le gouvernement et par des entreprises privées. Des peintres, des dessinateurs, et plus tard des photographes y sont associés pour en documenter les découvertes. Albert Bierstadt parcourt ainsi le Colorado, le Wyoming, les Rocheuses, la vallée de Yosemite ou encore l’Alaska. Ses études de paysages lui serviront de points de départ pour des centaines de tableaux, souvent des vues idylliques témoignant des horizons infinis qu’il a pu observer. Thomas Moran participe à la mission d’exploration officielle conduite par

Frederic Edwin Church The Iceberg | L’iceberg, vers 1875

Frederic Edwin Church
The Iceberg | L’iceberg, vers 1875

dans la région de Yellowstone en 1871. Ses peintures grandioses, ainsi que les photographies prises par William H. Jackson, marquent le public et plaident en faveur de la protection de ce site, qui deviendra le premier parc national de l’histoire en 1872. En quête de paysages spectaculaires et exotiques, Frederic E. Church et William Bradford vont même dépasser les frontières américaines. Church obtient ainsi un succès phénoménal avec ses paysages des Andes et de la côte du Labrador. Bradford est un des premiers artistes américains à peindre les glaces de l’Arctique, région qui le fascine au point de s’y rendre à de multiples reprises. George Catlin est, quant à lui, célèbre pour les centaines de portraits d’Indiens qu’il a réalisés en observant les tribus lors de ses nombreux voyages d’exploration dans les années 1830. Sa « galerie indienne », une exposition itinérante consacrée à la culture des Indiens, a été présentée à New York en 1837 avant d’être montrée dans les capitales européennes à partir de 1840. Elle offre un précieux témoignage d’une civilisation menacée de disparition.
L’exposition est accompagnée d’un ouvrage richement illustré, avec des textes de William Hauptman, historien de l’art, spécialiste de l’art américain du XIXe siècle et commissaire de l’exposition, ainsi que deux essais sur la photographie, par Corinne Currat et Dominique Hoeltschi, chargées de projets à la Fondation de l’Hermitage. Publié en co-édition avec La Bibliothèque des Arts, Lausanne

Photos courtoisie Fondation de l'Hermitage


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