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Laurent Dassault, le Prince Charles et Iznogoud

Par Mauss

Sur notre belle planète, il y a comme ça des êtres malheureux. Certains diront qu'ils sont le résultat d'une castration aux origines douteuses. Mais ne faisant point partie du corps médical…

Chaque personne un tantinet cultivée connaît cette redoutable créature née de la plume de Goscinny et du crayon d'Uderzo qu'est Iznogoud voulant prendre la place du placide calife dirigeant avec sagesse un beau pays de soleil. Chacun sait donc à quel point l'homme est malheureux de ne pouvoir accéder à l'autorité suprême qui lui permettrait de montrer sa vilenie ou son pouvoir douloureusement limité à la deuxième marche du pouvoir. Un vassal.

Chaque lecteur de Closer et équivalents a enfin compris que jamais la titulaire actuelle du trône chez nos amis saxons ne laissera sa place à son fiston. En bon anglais il souffre de cela bien plus qu'Iznogoud car sa religion du paraître ne lui permet même pas d'afficher son noble courroux. Il restera en salle d'attente : ainsi en a décidé maman !

Enfin, les lecteurs économiques de Challenges ou Les Echos ont été tenus informés par le menu des  guérillas intestines dans la famille Dassault pour une succession qui met en évidence des impatiences douloureuses, au point que le Père aurait fermé à clé - punition temporaire - le bureau du fiston impatient. Quasi jouissif d'imaginer la scène :-)

Ah, ces gens qui s'accrochent et s'effraient des frustrations de leur descendance !

Chez les milliardaires, où souvent les successions prennent un temps fou à se mettre en place, le corps médical trouvant des ressources inouïes à allonger des vies qui n'échapperont pourtant pas à Charon, on a ainsi quelques générations qui piaffent d'une impatience à montrer à quel point ils sont capables de faire (défaire ?) ceci ou cela.

Pas tellement aux USA où les tycoons que sont les Buffet et autres Gates savent redonner à la société les sous qu'ils ont réussi à gagner, parfois selon une méthodologie qu'aurait réprouvée Schumpeter… mais ça, c'est une autre histoire.

Oui, oui, Oliv et Nicolas sentent la grosse Bertha sortie du garage :-) Ils ont raison.

Où veut-on en venir après ce préambule totalement subjectif et quasi mal intentionné ?

Au n° 588 de la RVF qui reproduit un interview de Monsieur Laurent Dassault par messieurs Saverot et Humbert (page 8 à 12). Les belles photos illustrant l'individu sont une preuve éclatante de la haute tenue de son dentiste : on frise le chef d'oeuvre. C'est clair : ou cet homme a de beaux moyens financiers ou cet homme est un permanent des écrans TV.

D'où vient donc ce juste courroux que l'on sent naître et pointer vers quelques sommets ?

Non, il ne vient pas du fait qu'on peut diviser, suite à la lecture de ces pages RVF, des riches milliardaires de pauvres milliardaires. Ceux qui ont osé payer leur passion et ceux qui, à force de calculs comptables, sont passés à côté de pures merveilles.

Le courroux vient du fait qu'on retrouve une présentation du bordelais qui date, mais alors qui date comme dieu pas permis ! Et surtout qui donne des exemples totalement à côté de la plaque.

Je cite :

"C'est la terre qui compte, pas le château ni la région. C'est comme Jean Guyon avec Rollan de By. On ne peut pas faire de miracle à Bégadan. Alain-Dominique Perrin [ Château La Grezette à Cahors (ndrl)] ne pourra jamais faire un grand vin. Jean Guyon non plus. Ce n'est pas de leur faute, c'est la terre qui décide."

On reste pantois devant une telle affirmation - d'une condescendance étonnante de la part d'un homme qui se dit son ami - derrière laquelle on voudrait assoir principalement la qualité d'un vin sur sa situation géographique telle qu'elle fut reconnue aux siècles derniers. Personne n'ira contester qu'effectivement, même en bordelais, il y a de réels terroirs qui ont fait leurs preuves depuis deux siècles, surtout quand leurs propriétaires étaient plus passionnés par la vigne que par leur compte en banque. Personne ne jettera avec l'eau du bain tous les noms de haut niveau des différents classements, en sachant parfaitement qu'à l'intérieur de ces hiérarchies, il y a quelques navets par ailleurs sanctionnés par des prix de marché loin, très loin des références.

Mais on est au XXIème siècle, et depuis les années 80, on peut établir des listes internationales impressionnantes d'entrepreneurs passionnés par le grand vin qui ont à leur actif des réussites fantastiques. Quand ils n'ont pas pu acquérir des terroirs identifiés, ils ont pris soin cependant, de rechercher des terres dormantes ayant un réel potentiel. Ils savaient parfaitement que si ces sols n'étaient pas à l'intérieur d'une AOC de prestige, rien ne leur serait épargné pour réussir et montrer ce dont ils étaient capables de faire avec leurs sous et leur intelligence. De Silvio Denz à Yves Vatelot, de Jean Guyon à Gérard Perse, même de Jean Gautreau à Jean-Luc Thunevin, on peut ainsi remplir des pages de noms qui méritent un réel respect de la part d'héritiers… qui n'ont pas fait grand chose pour sublimer ce qu'avaient construit leurs parents.

Je peux enfoncer le clou ? Là où à de multiples reprises Rollan de By de Jean Guyon ou Reignac d'Yves Vatelot ont caracolé dans le top des dégustations du GJE , au niveau même des premiers, où se trouvait Château Dassault ?

Jean Guyon pas capable de faire un grand vin ? Mais on rêve là !!! Quiconque fera une verticale à l'aveugle avec Haut-Condissas, Rollan de By et Dassault sera forcé de constater à quel point cette affirmation assassine de Laurent Dassault ne peut être que lue dans un contexte de jalousie vraiment mal cachée.

Jean Guyon, comme Yves Vatelot ou Jean Luc Thunevin ont à leur actif des réussites de millésimes incontestables, là où on aurait pu s'attendre chez Dassault, avec la fortune familiale et l'AOC du lieu, à la mise sur le marché de véritables grands crus méritant un respect total. Et même en pur business, il faut savoir que Jean Guyon produit maintenant plus d'un million de bouteilles, se trouve sur des compagnies aériennes et continue à développer ses affaires avec des créations d'emplois significatives. 

Sans remettre en cause la gestion de la propriété Dassault par Laurence Brun qui ne peut que suivre les instructions qu'on lui donne, je parierai volontiers que si ce château était la propriété de Guyon, Magrez, Vatelot ou Thunevin, on aurait des résultats qualitatifs bien différents.

Lisez attentivement  toutes ces pages RVF sur Dassault et vous verrez à quel point, finalement, on ne parle là que d'argent… et même pas dans la noblesse que peut avoir cet outil indispensable à l'économie libérale qui est celle de l'Occident.

Oui, j'ai sorti ma Grosse Bertha, mais que voulez vous : cette méconnaissance  totale des multiples sessions du GJE où les vins de Jean Guyon ont tenu des rangs de sommet, résultats même pas évoqués par les interviewers à la botte, cela m'a titillé grave :-)

A propos de la RVF : le lecteur qui suit mes boursouflures littéraires notera avec délectation que la page mensuelle de Jean-Robert Pitte s'intitule : "LIBRE PAROLE".

kiu

Iznogoud


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