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La marmotte et le goût de lieu.

Par Afust

Il y a quelque temps déjà un billet m'est passé sous les yeux et m'a donné envie d'y réagir mais j'ai repoussé.
Jusqu'à aujourd'hui.
Le billet en question est celui ci (cliquer sur le lien mène directement au papier en question) :

Biodiversité et valorisation des « goûts de lieu » dans le vin

Et c'est signé de Jacky Rigaux.
Ce texte, au delà de son apparente érudition, présente dans ses développements et ses affirmations parfois péremptoires une sorte de synthèse entre réflexions intimes et Profession de Foi, avec des éléments qui me chiffonnent plus qu'un peu.
Il est vrai que dès l'entame le ton est donné :
D’un vin issu de la « construction d’un goût » avec les technologies contemporaines au retour d’un vin qui « délivre un message » !
parce que, forcément, fatalement, inévitablement, les technologies contemporaines mènent à la construction du goût et à l'effacement du message ?!
Je n'ai jamais bien compris en quoi et pourquoi savoir et savoir faire empêcheraient qui le souhaite, y compris un vigneron, de transmettre son message (à supposer qu'il en ait un).
De tous temps musiciens, écrivains et autres peintres ont utilisé des savoirs et des technologies contemporains (on est toujours contemporain de son époque ... époque qui pour certains peut être - sembler ? - d'une insupportable modernité) et donc évolutifs, pour autant leurs œuvres représentent ce qu'ils sont et délivrent leur message, s'ils en ont un.
Même si depuis la Grotte Chauvet les méthodes et techniques de peinture ont évolué, la peinture continue de nous parler, et je n'évoque même pas les écrivains avec leur scandaleux passage du papyrus au traitement de texte !
Bref : ce postulat de départ me défrise la moustache que je n'ai pas.
La suite aussi, plus ou moins :

En initiant l’édification des « climats » sur le Pagus Arebrignus, ces parcelles de vignes soigneusement délimitées, et en diffusant ce type de viticulture partout où ils plantèrent de la vigne, dans la suite de la chute de l’Empire Romain, les moines bénédictins créèrent une esthétique du « goût de lieu ».
Euh ... partout où ils plantèrent de la vigne, à condition que ce soit en Bourgogne !
Prenons le cas du plus célèbre des bénédictins pinardiers, Dom Pérignon : tout porte à croire que DomPé fermentait ses vins après avoir assemblé les raisins de diverses parcelles et divers cépages.
Alors le goût de lieu et les moines bénédictins ...
partout où ils plantèrent de la vigne .../... les moines bénédictins créèrent une esthétique du « goût de lieu » ?
ben voyons donc ...
C’est bien dans cet esprit que furent créés les vignobles de « vins de lieux » par les bénédictins, une création relevant ainsi d’un rapport esthétique au monde. Nés d’une rencontre avec une nature créatrice, originale en chacun de ses lieux choisis par l’homme pour y planter la vigne, les vins que l’on appréciera, en reflétant leur « nature », seront de fait originaux et inimitables…

La marmotte et le goût de lieu.

Dom Claude Lancelot (1667)
"Dissertation sur l'hémine de vin et
la livre de pain de S. Benoist ...".


Ouais peut-être. Ou peut-être pas !?
Car ce postulat quasi rousseauiste gagnerait, pour le coup, à être étayé par des références et documents attestant de cette vision chez les bénédictins de l'époque.
Pour ma part, mais je ne suis qu'un vil prosaïque tenant du complot scientiste, j'en reste au "Ora et labora" ("prie et travaille") des bénédictins et à leur valorisation du travail (manuel !), ainsi qu'à la règle de Saint Benoit qui veut que d'une part chaque monastère soit auto suffisant et que, d'autre part, chaque moine ait son hémine de vin quotidienne.
Sur l'hémine de vin et la livre de pain de l'ordre de Saint Benoit on pourra se référer à un réjouissant opuscule (bien qu'un peu aride parfois, surtout pour un bouquin traitant de vin !) écrit par Dom Claude Lancelot (l'un des messieurs de Port Royal, qui fut entre autres choses le professeur de grammaire de Jean Racine) : "Dissertation sur l'hémine de vin et la livre de pain de Saint Benoist, & des autres anciens religieux" (1667). Il y disserte sans fin, et de façon fort érudite, sur ce point crucial de l'hémine de vin.
Bref : communiant sous les deux auspices il fallait du blé et du vin, et il convenait de se les procurer par son travail, et tant mieux si le vin était bon.
Ou tant pis, car la règle de Saint Benoit est prudente :
"Chacun a reçu de Dieu son don particulier : l’un celui-ci, l’autre celui-là. Aussi avons-nous quelque scrupule à régler l’alimentation d’autrui. Toutefois, ayant égard au tempérament des faibles, nous pensons qu’une hémine de vin par jour suffit à chacun. Ceux à qui Dieu donne la grâce de s’en abstenir, sauront qu’ils recevront une récompense particulière. Si la situation du lieu, ou le travail, ou l’ardeur de l’été demandent davantage, le supérieur en décidera ; mais il veillera en tout à ce qu’on ne tombe ni dans la satiété ni dans l’ivresse. Nous lisons, il est vrai, que le vin ne convient nullement aux moines. Mais comme on ne peut le persuader aux moines de notre temps, accordons-nous du moins de ne pas boire jusqu’à satiété, mais avec sobriété : parce que le vin fait apostasier même les sages. Si la pauvreté du lieu est telle qu’on ne puisse se procurer cette mesure de vin, mais beaucoup moins ou rien du tout, ceux qui y demeurent béniront Dieu et ne se plaindront point. C’est l’avertissement que nous donnons avant tout : qu’ils s’abstiennent de murmurer".
Mais je reviens au blog :
Les agronomes latins reprirent à leur compte cette donnée de la culture grecque. Ces derniers, dont Columelle, impressionnés par la qualité des vins du Pagus Arebrignus, jetèrent alors les bases d’une première théorie du terroir qui soulignait avec justesse combien est essentielle l’adéquation d’une variété de vigne particulière (cépage), trouvée à l’état sauvage dans les forêts locales, à un lieu capable de la magnifier. La formule de Columelle sur le sujet est sans équivoque. « La petite et la meilleure de ces trois variétés se reconnaît à sa feuille qui est beaucoup plus ronde que celle des deux premières. Elle a des avantages, car elle supporte bien la sécheresse, résiste facilement au froid pourvu qu’il ne soit pas trop humide, et elle est la seule qui, par sa fertilité, fasse honneur au terrain le plus maigre. » Le terrain le plus maigre en question est celui de l’actuelle Côte bourguignonne. Cette variété, on l’appellera par la suite, au Moyen Age, « pinot » !
Bon, je suis un chieur notoire et sans doute au moins autant (peut-être même un peu plus) de mauvaise foi que l'auteur des lignes que je commente ici.
M'enfin, franchement, avec la meilleure volonté du Monde, quand je lis :
« La petite et la meilleure de ces trois variétés se reconnaît à sa feuille qui est beaucoup plus ronde que celle des deux premières. Elle a des avantages, car elle supporte bien la sécheresse, résiste facilement au froid pourvu qu’il ne soit pas trop humide, et elle est la seule qui, par sa fertilité, fasse honneur au terrain le plus maigre. »
je ne comprends pas que Columelle ou ses successeurs cherchaient l’adéquation d’une variété de vigne particulière, trouvée à l’état sauvage dans les forêts locales, à un lieu capable de la magnifier, je lis seulement qu'ils cherchaient à pouvoir faire le rendement, et ce quelles que soient les conditions du millésime.
Basse préoccupation matérialiste, je le crains.
Sans compter que c'est bien beau de vanter le spirituel, mais le temporel a aussi laissé de beaux bébés derrière lui : il ne faudrait en effet peut-être pas occulter totalement le fait que c'est Philippe le Hardy qui, en 1395 et en Bourgogne, a rédigé l'édit interdisant le Gamay et préconisant le Pinot noir (dont il était friand).
Pas franchement un bénédictin qui suçait les cailloux, le petit père le Hardy.
A la chute de l’Empire Romain, vers l’an 476, les évêques héritèrent d’un pouvoir laissé en déshérence. Ceux de Langres et d’Autun devinrent titulaires du vignoble le plus fameux de l’époque, situé sur le Pagus Arebrignus (qui allait de Dijon au Clos de Germolles, en Côte Chalonnaise). Ils en laissèrent le soin aux moines bénédictins, à charge pour eux de relancer une viticulture mise à mal par les invasions multiples.
Je ne vais pas forcément chipoter sur tout et partout (j'ai d'ailleurs déjà sauté des pans entiers du message qui me sert de base) mais, bon, la règle de Saint benoit est datée d'une 50aine d'années après ce qui est retenu comme fin de l'empire romain d'occident.
La fondation de Cluny lui est postérieure de 5 siècles.
Mais va pour Autun (abbaye de moniales qui fut maintes fois rasée, comme chacun sait : l'époque n'était pas belliqueuse), et Langres (fondée en 630, mais bénédictine à partir de 820).
En mêlant harmonieusement méditation, prière, réflexion et travail manuel, les moines sont en osmose totale avec [la nature].
On peut la jouer comme çà.
Mais on peut aussi rappeler que la mortalité était effrayante (mais sans doute l'était elle, alors, partout ailleurs !?), avec des moines qui se tuaient au travail.
Quant au mélange harmonieux c'est pas compliqué, il suffit de regarder le dosage qui subsiste de nos jours :
Matines à 5 h 15
Laudes à 7 h 15
Tierce et eucharistie à 9 h 15
Sexte à 12 h 15
None à 14 h 15
Vêpres à 18 h
Complies à 20 h
Harmonieux ...
Et tellement en osmose avec la Nature (même si pour les bénédictins, en effet : "rien n'est supérieur à l’œuvre de Dieu").
Un 19ème siècle industrieux et un 20ème siècle belliqueux, avide de rentabilité en exacerbant une concurrence mondiale, oublièrent l’éthique des inventeurs de la rationalité pour s’engager dans un primat de la technologie. La base de la technologie, c’est le besoin et l’art « d’ustensiliser », d’instrumentaliser du monde. Dorénavant, il ne suffit plus de comprendre, il faut intervenir.

La marmotte et le goût de lieu.

Jean Godinot (1718)
"Manière de cultiver la vigne et de faire le vin en Champagne"

Ben ouais, le 19ème siècle n'était pas belliqueux : c'est le 20ème qui était belliqueux.
Au Moyen Age non plus c'était pas belliqueux. Surtout pas à Autun.
Et puis  jamais, mais vraiment jamais avant le 20ème siècle il n'y eut de question de rentabilité ! Jamais, tu penses bien : tout çà est clairement établi de longue date. La rentabilité est une notion tant moderne que vulgaire.
Mort au progrès et back to the trees ! comme disait l'Oncle Vania.
Et puis intervenir sur le vin ? Boh, non !
Luxe, calme, et volupté en tous temps et tous lieux. Enfin terroirs, pas lieux.
Et là la marmotte est en train de se mettre dans les starting blocks tout en ayant une affectueuse pensée pour le Chanoine Jean Godinot (certes janséniste et non pas bénédictin) qui écrivit le premier traité du vin de Champagne (et s'enrichit considérablement avec le commerce des siens, de vins). Traité dont je mets un extrait ci contre, pas interventionniste pour deux sous.

La marmotte et le goût de lieu.

J.P. Mazaroz (1879)
"Destruction du phylloxéra de la vigne
par l'hygiène naturelle".

Par ailleurs, on ne chercha pas à reconnaître que le phylloxéra, qui détruisit les vignobles européens à la fin du 19ème siècle, peut être contenu par ses prédateurs naturels. Du coup on développa la pratique du porte-greffe américain, lequel n’est pas naturellement adapté à une roche mère-calcaire, ce qui bride l’effet terroir ! Fascinés par la production de clones, censés résister à tout et être très productifs en gros raisins, nombre de vignerons furent aveugles à leur piètre complexité et aux leçons de 2000 ans de sélections massales qui privilégiaient les raisins de petite taille, à l’allure d’une pomme de pin.
Ben tiens, c'est clair que pour le phylloxéra on pouvait faire autrement. Et n-a-t-u-r-e-l.
Mais c'est ballot : personne n'y a pensé.
Ah ben si : J.P. Mazaroz a (en 1879) commis un désopilant opuscule (une centaine de pages tout de même) dans lequel il chante les louanges anti phylloxériques de l'hygiène naturelle  (des lignes que Steiner himself ne renierait sans doute pas) ... et des petits oiseaux.
Ce bouquin fourmille de merveilles.
Par exemple, pour expliquer qu'aux Etats-Unis on n'observe pas les ravages du phylloxéra :
"Les gouvernants américains continuent le maintien de ces sages ordonnances [prison et amendes à qui nuit aux "petits oiseaux"] parce qu'ils sont convaincus que l'oïdium, la pyrale, le gribouri, la nielle, la maladie des pommes de terre, le charbon des céréales, ainsi que toutes les maladies de la vigne, y compris le trop célèbre phylloxéra, ont pour cause principale et même fondamentale la proportion infiniment trop petite des oiseaux dans les campagnes d'un pays".
Bon, les mecs, faut arrêter la bouillie bordelaise : faites plutôt des lâchers de rossignols !
Le quatrième drame annonçant la fin de la viticulture de terroir pouvait alors commencer : l’arrivée en force de l’œnologie correctrice et son cortège de plus de 300 adjuvants susceptibles de générer des goûts divers et variés, des goûts qui n’ont plus rien à voir avec le goût de terroir, avec le « goût de lieu ».
Bon, comme d'hab : on ignore superbement la différence entre adjuvants et auxiliaires, on semble ne pas savoir que le bon vieux temps était riche en additifs de toutes sortes (et non des moindres) et on en remet une couche sur les adjuvants susceptibles de générer des goûts divers et variés.
Il y en aurait 300 et plus capables de générer des goûts divers et variés ?
Balaise !
Bon, comme d'hab on reste dans l'allusif en occultant totalement ce que sont ces "adjuvants" ainsi que ce qu'ils font réellement et quand et pourquoi ils le font - ou pas -, et le tout sans faire la distinction entre ce qui n'est que du fantasme ou de la comm de bas étage, et la réalité des choses.
Discours (imprécation !) de Café du Commerce (certes équitable).
A propos de la pharmacopée œnologique, il y aurait pourtant me semble t'il moyen d'avoir des éléments et des échanges tant intéressants que constructifs,.



La Chine a réussi en quelques dizaines d’années à devenir le cinquième producteur de vin mondial.
Ben non.
La Chine a le second vignoble mais n'est "que" 8ème producteur mondial de vin, et encore pourrait on discuter des modalités de ce classement.
Mais on s'en fout : c'est pas le propos.
Si aucun grand terroir à vignes n’a été repéré par l’homme en Chine jusqu’à la fin du 20ème siècle, on peut penser que seuls des vins technologiques, certes très bien faits, peuvent naître de ces nouveaux vignobles, des vins inventés par les œnologues. Il est cependant peut-être possible de trouver, sur les pentes des contreforts de l’Himalaya, de véritables terroirs viticoles…
Ouais, ou alors au Baloutchistan.
Peut-être que les moines bouddhistes vont remplacer les bénédictins et sont l'avenir du vin ?
Om madni padme hum en lieu et place de Ora et Labora ?
Soupir ...
Partout se dessine de nos jours, en France et en Europe, et même dans des vignobles du « Nouveau Monde », un retour à une viticulture respectueuse de l’environnement et des anciennes pratiques relancées et enrichies par la viticulture biologique, et surtout bio-dynamique.
Ah ben voilà, autant le dire de suite : le long pensum qui précède n'était en fait qu'une introduction à la biodynamie.
Le ciel s'éclaircit et tout s'illumine soudain : la Lune doit être gibbeuse.

L’opérativité de la rationalité dans chacun des champs qu’elle a pu isoler est incontestable, mais trop peu soucieuse des dégâts collatéraux que sa mise en œuvre peut causer aux autres compartiments du réel.
C'est cela même.


L’attitude bio-dynamique renoue avec le respect de la multi-dimensionnalité du réel, le respect de la pluralité des « natures » avec lesquelles il convient de composer. Exceller, une fois que l’on a compris qu’existent des « natures », c’est s’efforcer de déployer à leur entour de la « virtuosité », par delà toute prétention à une maîtrise technique.
Certes.
Enfin ... j'ai un peu de mal avec la multi dimensionnalité du réel et la pluralité des natures : mes chakras sont tout fermés.
La logique du terroir, et la façon artisanale de le servir, a fait preuve de sa pertinence durant plusieurs millénaires. Sa rationalité est différente, surtout quand elle est animée par la bio-dynamie, mais tout aussi effective. Et les amateurs se réjouissent de ces vins au « goût de lieu » à la diversité infinie !
Avec l’apparition de la flavescence dorée, maladie générée par la cicadelle, une menace semblable à celle du phylloxéra qui détruisit les vignobles est à craindre de nos jours. Face à elle, l’idée de l’éradiquer avec de puissants pesticides s’impose un peu partout. Leur épandage sur des vignes cultivées en biologie et en bio-dynamie détruirait une vingtaine d’années d’efforts pour réintroduire une biodiversité… Les vignerons qui ne veulent pas s’engager dans cette voie imposée par certains arrêtés préfectoraux, risquent de lourdes peines…
Euh, ouais.
Réjouissons nous.
Sinon on fait quoi contre la flavescence ? concrètement, je veux dire ...
Pour donner ces forces de verticalités aux vins, les préparations bio-dynamiques 500 (bouse de corne) et 501 (silice), dont une certaine « science officielle » peut se gausser, sont déterminantes. Avec les impulsions données par la bouse de corne, on rétablit ce que l’on avait perdu avec le greffage de nos plants européens sur les porte-greffes américains. Vitis vinifera, à l’origine, est une liane qui pousse en forêt. Elle monte à la cime des arbres pour chercher la lumière. Ses racines sont le miroir de sa dimension folière et, comme c’est une plante calcicole (elle aime le calcaire), elles descendent profondément dans le minéral, profitant des fissures de la roche mère.
Bon je vais essayer de pas me gausser.
D'autant que j'ai des vins en BioD à la cave. Par contre je les stocke à l'horizontale, j'espère que ça vas pas nuire à leur si belle verticalité.
Je sais pas bien ce que c'est qu'un vin vertical : un vin des contreforts de l'Himalaya peut-être ?
En tous cas ça a l'air vachement bien.
(Merde, je me suis gaussé je crois).
Les pratiques viticoles de la taille et le rognage des rameaux qui montent vers les cieux, ramènent la partie aérienne de la vigne à l’horizontalité. Par ailleurs, le greffage introduit après la destruction des vignobles par le phylloxéra, sur un porte-greffe d’origine américaine qui ne connaît pas le calcaire, ce qui ne lui permet pas d’explorer les fonds minéraux, ramène le système racinaire à l’horizontalité. Ainsi, la bouse de corne, administrée après dynamisation, redonne cette impulsion vers le bas qui invite la plante à la rencontre du minéral. Quant à la silice, administrée également après dynamisation, elle donne cet élan vers la lumière, vers le cosmos, à la plante ! On rétablit, grâce à ces préparats dynamisés, administrés au bon moment, ces forces de verticalité naturelles. Point de sorcellerie initiée par ces pratiques, mais une aide naturelle offerte à la plante pour qu’elle renoue avec sa « nature » !
Que la bouse de corne donne une impulsion vers le bas çà me semble très évident.
L'impulsion est tellement forte qu'on vient même de toucher le fond.
Sacrément efficace le truc ...
Cette verticalité du vin se retrouve à la dégustation, quand aucun artifice œnologique ne lui a été ajouté. Elle se décline avec des vibrations et des sensations différentes selon les « climats », selon les lieux où pousse la vigne !
C'est une découverte récente la verticalité.
On a eu la digestibilité, on a eu la minéralité, on a même eu le goût de terroir, aussi une tentative vers la salinité mais c'était pas super convaincant.
Là, depuis peu, c'est la verticalité.
Trop cool la verticalité, et çà fleurit donc régulièrement ici ou là.
Le truc tendance, surtout quand y a des vibrations en plus.
Au fait, c'est qui qui parlait du marketing et des méfaits des nouveaux concepts ?
J'ai de plus en plus de mal à retenir la marmotte ...

La marmotte et le goût de lieu.

Louis Pasteur. 1866
"Etudes sur le vin, ses maladies,
causes qui les provoquent,
procédés nouveaux pour le conserver et pour le vieillir".


La nature peut être considérée comme un organisme où tous les éléments ont leur importance et prennent leur sens l’un par l’autre. C’est en ce sens que la bio-dynamie est davantage en phase avec la pensée de Claude Bernard qui prônait l’importance du terrain dans la circulation des microbes et des bactéries, plutôt qu’avec celle de Pasteur qui cherchait à éradiquer les microbes jugés indésirables…
Dans ce genre d'exercice, taper sur Pasteur est un passage obligé.
Pour autant Pasteur me semble exemplaire dans son cheminement et l'avancée de sa réflexion, encore faut il s'intéresser au propos et à son contexte.
Pasteur ? Didactique et compréhensible.
Lui.
La marmotte et le goût de lieu.
C’est sans doute en reconnaissant la sensibilité comme moteur du rapport au vivant, que les bio-dynamistes ouvrent une nouvelle forme de rationalité. C’est parce que l’on est sensible que l’on active notre dimension cognitive, notre capacité à se représenter la nature. Dans la foulée d’un cartésianisme triomphant au 19ème siècle, l’homme a mis l’intelligence cognitive comme la motrice essentielle et unique du progrès. Avec la bio-dynamie, on renoue avec la pensée de Spinoza, plus subtile, plus dialectique, qui consacre l’articulation de l’affectif et du cognitif, sans qu’on ait à privilégier l’un sur l’autre ! Remettre la sensibilité au cœur des pratiques viticoles ne signifie donc pas ignorer les savoirs de l’intelligence cognitive. C’est retrouver un peu d’humilité en ayant le courage de reconnaître que la nature a toujours un coup d’avance sur l’homme ! Plutôt que de la brutaliser et de la contraindre, mieux vaut l’écouter et la respecter !

On se fait un coup de Spinoza ? (Non, pas la version de Pouy).
Spinoza donc, dans l'éthique :
"tous les préjugés que j’entreprends de signaler ici dépendent d’un seul : les hommes supposent communément que toutes les choses naturelles agissent, comme eux-mêmes, en vue d’une fin"
Pas con le Spinoza ...
Marrant l'écho que çà fait ici.
Plus il y a de filtres à la vigne (engrais, pesticides, herbicides..), plus il y a de filtres en vinification (levures sélectionnées, acides et sucres ajoutés, gomme arabique, tanins industriels…), plus il y a de filtres en élevages (tonneaux trop brûlés, ajouts de levures pour activer les fermentations malolactiques, enzymes, etc…), plus le goût de lieu est masqué… On commence à brouiller le fonctionnement naturel des sols en introduisant des engrais chimiques, on masque la minéralité naturelle du vin avec l’ajout de sucre, de gomme arabique, et d’innombrables artifices…, on accentue la sucrosité séductrice avec différents artifices d’élevage, ce qui perturbe la sapidité naturelle du vin…

Bon, pour la malo c'est des bactéries qu'on peut ajouter, pas des levures.
Détail.
Pour autant, il suffit de goûter x cuves d'un même chai, fermentées par la même levure pour se rendre compte que le terroir s'y exprime et que ces cuves sont bien différentes.
Sinon pourquoi s'emmerder à faire des assemblages puisque tout est identique à cause des méchantes levures ...
Après, le vin est il plus ou moins vertical ...
Pour respecter le « goût de lieu », il est nécessaire de respecter le lieu où on va planter la vigne. C’est ce qu’ont fait les moines bénédictins, et avant eux égyptiens, grecs et romains qui édifièrent les grands crus.
Ouais, y avait le Falerne.
Mais qui y a goûté ?
Qui sait comment il était réellement élaboré ?
Qui est capable de dire s'il correspond à ce qui nous est présenté comme parangon de vertu et de goût de lieu ?
Fantasmagorie sur le bon vieux temps ou réels et inimitables vins de terroir et de lieu ?
Au vu de ce que les romains ajoutaient à leurs vins j'ai quand même un peu de mal sur l'expression du lieu !
Dans tous les vignobles historiques, pour la plupart marqués par le travail des bénédictins, les différences et les hiérarchies existent, même si elles n’ont pas été officialisées au 20ème siècle lors de la loi sur les appellations d’origine contrôlée. Nombre de vignobles ont délimité une zone d’appellation sans hiérarchie : Sancerre, Côte Rôtie, Hermitage, Gaillac, Fitou…
Bon franchement là, le "Dans tous les vignobles historiques, pour la plupart marqués par le travail des bénédictins", c'est du foutage de gueule !
Puis c'est quoi le propos sur hiérarchie ou pas ?
Pour apprécier le vin de lieu, il convient de faire retour à la pratique de dégustation des gourmets, ces professionnels de la commercialisation des vins organisés en corporations depuis le 12ème siècle, et rigoureusement contrôlés à partir de la Renaissance. Ils étaient chargés de s’assurer que les vins vendus exprimaient bien le goût de leur lieu de naissance !
Ouais le bon vieux temps quoi.
On goûte au tastevin, et on fait des commissions d'agrément qui prennent en compte non pas la typicité - concept abject comme chacun sait - mais bien l'expression du goût de lieu de naissance.
Et la verticalité.
On avance ...
Pratiquer la dégustation géo-sensorielle, c’est également accueillir en soi le vin de lieu qui libère un message, le message délivré par la « Nature » du lieu, c’est-à-dire l’expression de cette complexité naturelle née du travail du temps sur l’architecture de notre Terre
Le cépage est l’intermédiaire, le passeur entre le lieu et l’homme. « Le cépage est le prénom du vin, le terroir est son nom de famille », selon la belle expression de Léonard Humbrecht. Plus le lieu est favorable à la culture de la vigne, plus le cépage se fait oublier, s’efface au profit du gout de lieu !
Voilà.
Y a qu'à y mettre du Sauvignon chez Zind Humbrecht. Ou même du Tannat, tiens !
Pas de souci, ils s'effaceront devant le goût du lieu.
Ou pas.
Plus le terroir est complexe, plus il faudra de temps pour que les acides et les tannins naturels se fondent, mêlent leur complexité pour que la texture s’exprime complètement. Cependant, leur subtile viscosité est toujours présente et génère une belle salive, synonyme d’une grande digestibilité. La minéralité des vins de terroir s’atteste également par cette note subtile de poivre blanc que l’on peut ressentir en olfaction directe, mais surtout en rétro-olfaction.
Qu’importe si les industriels, et les scientifiques qui les servent, ne reconnaissent pas la minéralité. Ce n’est pas étonnant puisque cette dernière est masquée par tous les adjuvants chimiques et biochimiques introduits dans le vin. On nous dira que la gomme arabique, produit miracle ajouté à la plupart des vins technologiques pour les rendre suaves, est naturelle, mais elle ne vient pas du terroir ! Comme il est courant d’entendre vanter les mérites des levures industrielles gages d’une vinification facile et sans problèmes…, mais elles ne sont pas naturelles et issues du lieu !
J'aurais bien fait un truc sur les levures, et les levures de terroir.
J'aurais pu y poser l'habituelle question : pourquoi une levure serait elle, par le simple fait de sa présence en un lieu donné à un moment donné, la plus à même de fermenter un vin qui exprimera ce lieu comme nous nous attendons, culturellement, à ce qu'il s'exprime ?
J'aurais pu.
Mais tout çà n'a que trop duré : la marmotte s'impatiente.

La marmotte et le goût de lieu.

La Marmotte. Buffon. 1769.
Histoire naturelle, générale et particulière (T 8).


Car elle en dit quoi de tout çà ma copine la marmotte ?
Celle de Buffon, en tous cas, n'en dit pas grand chose : d'une part à son époque le papier aluminium n'existait pas et, d'autre part, selon Buffon :
"Elles mangent de tout ce qu'on leur donne, de la viande, du pain, des fruits, des racines, des herbes potagères, des choux, des hannetons, des sauterelles, &c. mais elles sont plus avides de lait & de beurre que de tout autre aliment. Quoique moins enclines que le chat à dérober, elles cherchent à entrer dans les endroits où l'on renferme le lait, & elles le boivent en grande quantité en marmottant, c'est à dire, en faisant comme le chat une espèce de murmure de contentement. Au reste, le lait est la seule liqueur qui leur plaise ; elles ne boivent que très rarement de l'eau, & refusent le vin."
C'est con, des fois, une marmotte.
(PS : ce billet a failli être titré "les cénobites tranquilles". Je regrette déjà de ne pas l'avoir fait)
Les photos sont celles d'ouvrages issus de ma collection personnelle, cliquer dessus permet de les afficher dans un format permettant une lecture plus confortable.
En outre, comme à chaque fois que je cite ou reproduis un de mes vieux bouquin : j'enverrai avec plaisir reproduction de telle ou telle partie de l'ouvrage cité à qui le souhaiterait.

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