Les députés viennent d'adopter un amendement à la loi Evin qui vise à faire la distinction entre information et publicité.
Alors çà tonne en tous sens sur le thème "les lobbies c'est le mal".
Pour s'en convaincre, il suffit de lire les déclarations indignées qui s'attaquent au vilain lobby pinardier ... et sont émises (commises ?) par les gentils membres du lobby anti alcool, suite au vote d'un amendement à la loi Evin dont on nous rebat les oreilles depuis quelques jours.
Que nous dit, dans une campagne somme toute assez bien organisée, le gentil lobby à propos des effets du méchant lobby ?
Bernard Basset (secrétaire adjoint de l'ANPAA)
On n’a jamais condamné un média de presse pour avoir fait un reportage sur la Bourgogne ou sur les vins de Bordeaux. Ce qui a été condamné ce sont des publicités érotisées.Ouais, l'érotisme + l'alcool c'est vraiment très mal.
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Est-ce que les 14 % de jeunes qui s'adonnent aujourd'hui au 'binge-drinking' doivent être demain 25 % ?
Enfin, le mal absolu c'est quand même la pub. Sauvons le Monde en supprimant la pub, supprimons les marques (et aussi quelques emplois) : plus de marque, des magasins d'Etat, et tout sous emballage neutre en papier kraft !
En tous cas B Basset nous prend légèrement pour des truffes, car il y a bien eu assez de publicités interdites à la demande de l'ANPAA pour avoir la certitude que l'érotisation n'est pas en jeu. Jetons par exemple un œil sur les attendus d'un jugement de 2006 condamnant l'interprofession du Val de Loire :
l'ambiguïté voulue du slogan décrivant, pour un consommateur averti, un mode de vente et de consommation des vins d'Anjou, des caractéristiques gustatives et dans le même temps les qualités d'un consommateur auquel le lecteur est appelé à s'identifier, excède les limites posées par la loiBref : la pub on peut en faire, à condition qu'elle soit pas incitative ... des pubs pas incitatives ? tu la sens bien là, la cohérence !?
C'est pourtant simple et le problème est posé, le mal désigné : les jeunes, la pub et le binge drinking.
Démonstration :
Claude Evin
Dès lors que l'on sait que l'alcool tue 50 000 personnes par an, peut-on en vanter les mérites comme s'il s'agissait d'un simple parfum ?Dès lors que l'on sait que l'alcool tue 50 000 personnes par an ?
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Le marché de la publicité pour l'alcool est énorme, notamment pour les bières et les alcools forts [...] Bien plus que les viticulteurs, qui exportent aujourd'hui une grande partie de leur production, c'est le puissant lobby des publicitaires qui est aujourd'hui à la manœuvre
Ben non, on sait pas. Enfin je savais pas.
Alors il vient d'où ce chiffre ? Comment a-t'il été obtenu ?
Bref : quelle confiance peut on lui accorder ?
Car comme tout résultat : ce qui compte ce n'est pas le résultat lui même, mais bien la façon dont il a été obtenu !
En outre, en matières de statistiques, je me réfère toujours à Aaron Levenstein, mon maître à penser :
Les statistiques c'est comme le bikini : ce qu'elles dévoilent est suggestif, ce qu'elles dissimulent est essentiel.Pourtant le clou est savamment enfoncé par Agnès Buzyn (Directrice de l'Institut National du Cancer)
Je suis profondément atterrée par cette initiative de certaines parlementaires qui obéissent à des lobbys très puissants et très bien installés en France, ceux des producteurs de vin. Ces élus donnent l’impression d’être totalement déconnectés des enjeux de la santé publique en France. Chaque année, dans notre pays, l’alcool est à l’origine de 49 000 décès. Et c’est aujourd’hui, la deuxième cause évitable de mortalité par cancer après le tabac. Tous les ans, l’alcool entraîne 15 000 décès par cancer : 70% d’entre eux sont des cancers des voies aéro-digestives supérieures, c’est à dire de la bouche, du pharynx, du larynx ou de l’œsophage. Mais beaucoup de Français ignorent que l’alcool provoque bien d’autres types de cancers : 24% des cancers du foie, 20% des cancers colo-rectaux et même 17% des cancers du sein.../...
Il ne faut pas se voiler la face. Si cet amendement est maintenu dans le texte final, on verra déferler dans les médias de nombreux publi-reportages qui permettront, sous couvert d’information, de faire la promotion des boissons alcoolisées. C’est inacceptable pour la santé publique lorsqu’on connait l’impact de la publicité, notamment auprès des jeunes. Une analyse de plus de 13 études internationales, portant sur plus de 38 000 jeunes, montre ainsi clairement un lien significatif entre la publicité et l’augmentation de la consommation, notamment chez les jeunes. C’est irresponsable de vouloir toucher ainsi à la loi Evin dans un pays comme le nôtre où la consommation d’alcool demeure l’une des plus élevées d’Europe. Aujourd’hui, cette consommation est estimée à 12 litres d’alcool pur et par habitant, soit environ 2,5 verres d’alcool par jour et par habitant. Aujourd’hui, 7,5 millions de Français consomment de l’alcool de façon quotidienne
Alors quoi ?
Alors, une rapide recherche peut, par exemple, mener au site de l'inpes santé, où l'on trouve un intéressant document. Et a priori on n'est pas là chez des gens que l'on peut décemment suspecter d'être des sbires à la solde des méchants alcooliers.
Que nous disent ils ?
La mortalité due à la consommation d’alcool est difficile à évaluer dans la mesure où l’alcool intervient comme cause — déterminante ou associée — de décès inscrits sous différentes rubriques dans les statistiques
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Pour les décès attribuables à une consommation excessive d’alcool, certaines estimations tiennent compte à la fois des décès par mort violente (accidents, homicides, suicides) et des décès ayant des causes médicales (y compris certaines maladies récemment corrélées à la consommation d’alcool).
Dans la suite de ce document, tout ceci est soumis à une revue de détail :
Si l’on considère la mortalité directement due à l’alcool, on dénombrait en 1997, d’après les statistiques de l’Inserm, 22 611 décès, dont 2 302 par psychose alcoolique, 8 864 par cirrhose et 11 445 par cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS), causés le plus souvent par une consommation conjointe d’alcool et de tabac.Au delà de la validité des chiffres, le lien de causalité entre alcool et nombre de morts et/ou cancers n'est donc peut être pas aussi évident, direct, certain qu'on veut bien nous l'annoncer et nous l'assener par ailleurs.
A propos des cancers, on peut d'ailleurs aller également faire un tour chez les affreux de l'Académie des Sciences (Encore un truc suspect, l'Académie des Sciences ...).
Ce rapport confirme qu’en France (comme dans tous les pays industriels et la majorité des pays en voie de développement) le tabac reste, à l’orée du XXIe siècle, la principale cause de cancer (29 000 décès, soit 33,5% des décès par cancer chez l’homme, 5 500 décès, soit 10% des décès par cancer chez la femme).Et, plus loin :
La lutte contre le tabac, malgré les progrès effectués, reste prioritaire.
L’alcool est à l’origine d’environ 9% des décès par cancer chez l’homme et 3% chez la femme.
Ainsi, malgré les efforts effectués, tabac et alcool restent à l’origine de 28% des décès par cancer. L’excès de poids et l’insuffisance d’exercice physique causent environ 2% des cancers chez l’homme et 5,5% chez la femme. Les expositions professionnelles sont à l’origine de 3,7% des cancers chez l’homme et de 0,5% chez la femme
La consommation d’alcool (et plus particulièrement du vin) a notablement diminué en France depuis 1960 dans les deux sexes, ce qui a été corrélé avec une nette diminution de la fréquence des cirrhoses du foie et des cancers concernés, notamment ceux des voies aérodigestives supérieures et de l’œsophage. Ces changements de comportement rendent plus difficiles les évaluations, mais semblent n’avoir qu’un faible impact sur les résultats.- nombres de cancer attribués à l’alcool : 17 398 cancers chez les hommes (soit 10,8% de l’incidence totale et 9,4% des décès) et de 5 272 chez les femmes (soit 4.5% de l’incidence totale et 3% des décès).
- le cancer du sein représente chez les femmes 70% des cancers attribuables à l’alcool et l’alcool est à l’origine de plus de 10% des cancers du sein.
Bon, ok, l'abus d'alcool est pas bon pour la santé : on en est tous convaincus. Merci à l'ANPAA de son aide précieuse sur la question.
Ce qui semble (à tout le moins ce qui me semble) moins convaincant c'est d'une part le lien de causalité, le lien de responsabilité unique et direct qui est fait entre l'alcool et les méfaits précédemment cités et, d'autre part, l'assimilation qui est systématiquement faite entre alcool,binge drinking et vin.
Sur ces points là, et bien d'autres, il est intéressant de se référer à la récente étude sortie par l'OCDE : Tackling Harmful Alcohol Use : Economics and Public Health Policy
On y trouvera, à partir de la page 40, des infos décrivant la situation des divers pays de l'OCDE ... dont la France.
Qu'y trouve-t'on ?D'abord deux infos essentielles portant sur la méthodologie :
- ce qui nous est vendu comme consommation annuelle par habitant est en fait la division des quantités totales d'alcool vendu sur le territoire national divisée par notre population. Autrement dit : un pays très touristique dans lequel les visiteurs viennent massivement acheter de l'alcool pour le boire sur place ou le ramener chez eux va avoir des chiffres de consommation artificiellement dopés !
- ensuite la méthodologie de conversion des différents alcools en une même unité varie selon les pays. Ca aide à la comparaison ...
Ensuite des données françaises qui me semblent intéressantes :
- avec la réserve que je viens d'émettre, la consommation individuelle est en grosse baisse (mais la France pointe toujours en 3ème place (derrière l'Estonie et l'Autriche))
- l'OCDE juge que la consommation française (majoritairement pinard) est peu risquée (niveau 1 sur 5)
- A propos du binge drinking et de son % d'occurrence : l'OCDE met la France tout au bas du classement.
Donc ça existe mais, pour une fois, on est plutôt de bons élèves... et il est intéressant de rapprocher les chiffres et commentaires de l'OCDE de ceux de B Basset, cités au début de ce billet.
Mais, en effet, au vu des données présentées, il y a une tendance nette à l'augmentation du binge drinking pour la tranche des 20-24 ans (de l'ordre de 3% des hommes en 2002, en hausse à environ 9% en 2010).
Bon, on va pas y passer la nuit (d'autant que j'ai déjà été bien trop long), alors comme d'habitude :
- les chiffres on leur fait à peu près dire ce qu'on veut. Surtout quand on prend surtout pas la peine de dire d'où ils viennent, ni comment et quand ils ont été recueillis ou ce que sont leurs intervalles de confiance,
- plein le cul de taper sur le pinard et que sur le pinard dès lors que l'on prétend lutter contre l'alcoolisme, l'alcoolisme des jeunes et le binge drinking, le cancer ou que sais je encore,
- c'est assez pénible qu'on nous prenne pour les lapins de garenne de 6 semaines et qu'à grand renfort de démonstrations biaisées on prétende nous imposer ce qui serait - au travers d'une exploitation partielle et partiale des dits chiffres - mieux pour nous (d'autant qu'on connait le succès tout relatif des ligues de tempérance et autres plaisanteries du même acabit),
- et ce qui, pour le coup, est réellement insupportable c'est que systématiquement le vin soit pris pour cible et exemple uniques, que le "puissant lobby viticole" soit la bête noire et que jamais, au grand jamais, on n'évoque la possibilité que les problèmes puissent venir d'autres alcools, plus modernes et au contenu moins culturel que le vin.
L'alcoolisme des jeunes et le binge drinking par le pinard il est pas impossible que ce soit pas si évident que çà (doux euphémisme).
Au delà, bien sur, de la facilité d'attaques répétées par l'ANPAA et d'illustrations complaisantes par une presse qui ne l'est pas moins, complaisante.
Vraiment : les happy hours, alcool au forfait et autres shots enchainés jusqu'au coma éthylique ça se fait au picrate ?
ben voyons donc ...
Bon c'est vrai qu'hier soir, au sortir d'une soirée sur réaliste, j'étais un peu entamé après avoir goûté quelques quilles de pif. Mais c'est une autre histoire ...
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