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Sainte Rita, le ginseng et la nature.

Par Afust

Pour entamer 2016 sur ce blog, quoi de mieux qu'une bonne grosse cuite ?
D'autant plus que, de toutes parts, on nous promet que désormais on pourra boire sans craindre la gueule de bois du lendemain
Alleluia!
C'est tout d'abord la Corée du Nord qui annonce voir créé l'alcool qui se boit comme du petit lait et n'entraîne aucun ravage post imbibition !
Le truc serait disponible en versions 30 et 40% d'alcool (c'est le début d'une gamme) et il semble qu'il soit obtenu par macération de plantes dans un alcool d'origine indéfinie. Tout au plus sait on que les plantes en question seraient du ginseng de 6 ans d'âge et du riz gluant (personnellement je trouve que ça fait envie).
Pour le reste c'est mystère et boule de ginseng.
Du coup le truc m'est rigolo.
Au moins un peu parce qu'il repose sur peau de balle, et beaucoup parce qu'une journaliste m'a contacté pour recueillir mon avis hilare sur la question. Elle en a sorti un billet sympa sur lemonde.fr.
Là où ça part en vrille – car si çà ne partait pas en vrille je n'en parlerais pas - c'est au niveau des commentaires.
Une lecture édifiante, les commentaires.
Édifiante et qui, en outre, répond à l'un de mes plus vieux questionnements : où donc sont passés les graffiteurs des murs de pissotières depuis la disparition de ces dernières ?
Ben voilà : ils commentent sur lemonde.fr (aussi pas mal sur Rue89).
Ceux que çà intéresse trouveront ici l'article du PyongYang Times annonçant la trouvaille.
Je leur mets aussi, en prime, deux publications coréennes sur les bienfaits réels ou supposés du ginseng (ou du moins de certains de ses composés) sur la gueule de bois.
Le premier.
Et le second.
 
Au delà de la valeur de la revue, que je ne connais pas, il faut dire que la littérature est peu abondante sur le sujet, et qu'elle semble n'être que coréenne.
En outre, pour l'étude en question, on ne dispose d'aucun élément permettant de juger de la valeur des protocoles, ni de la reproductibilité des résultats.
Tout çà, spas bon signe en principe.
Pour dire les choses autrement : tout étudiant en Sciences sait que les résultats on s'en tamponne le coquillard avec une patte d'alligator femelle. Ce qui compte ce ne sont pas les résultats mais bien la façon dont ils ont été obtenus (matériel, méthodes, etc ...).
En outre, à supposer que ces résultats soient valides : de là à dire qu'un produit commercial titrant 30 à 40 % d'alcool et dans lequel on a fait tremper du ginseng (même de 6 ans d'âge) et du riz gluant est de ce seul fait paré de toutes les vertus réelles ou supposées du ginseng et donc à même d'éviter d'avoir la tête à l'envers après s'être vitrifié toute la nuit ...
Comment dire ...
Mais il est vrai que les communications du gouvernement nord coréen sont connues pour leur sérieux.

Sainte Rita, le ginseng et la nature.
Dès lors ...

Dès lors j'ajouterais bien deux mots (commençant par exemple par "pauvres" et finissant par "types") aux trolls évoqués plus haut, voire même quelques détails supplémentaires à propos de l'éthanol, des enzymes hépatiques et de l'hormone antidiurétique ... mais je n'ai que peu d'affinité avec Sainte Rita. Pour tout dire: les causes désespérées m'emmerdent.
Allez donc plutôt faire un tour dans ce coin là si le sujet vous intéresse. C'est du genre exhaustif.
Les causes perdues m'emmerdent ... sauf quand elles me font rire, bien sûr.
J'en viens donc aux deux autres, car ils sont deux, comme Roux & Combaluzier et ont d'ailleurs des hauts et des bas.
Enfin, surtout des bas, de mon point de vue.
Alors, que nous disent ils les zozos ? (dans Télérama, œuf corse)
Quand je bois du vin naturel, je m'enivre sans jamais devenir saoul.
Bon, passons sur le fait que le vin est une boisson artificielle et que cette confiscation de la nature est donc tout aussi malvenue que franchement casse couilles.
S'enivrer sans devenir saoul ?!
A ce stade il est clair qu'on a recommencé à appuyer très fort sur le bouton branlette.
Partons du début : que me dit donc mon vieux pote le Lexis (dans l'édition de 1992) ?
- enivrer -> ivre,
- ivre : qui a le cerveau troublé à la suite de l'absorption d'alcool, de vin
- saoul : se dit d'une personne qui est ivre
Ah ben oui, c'est limpide comme une macération de ginseng : "Je suis ivre, mais je suis pas saoul". Pile poil le genre de truc métaphysiqueque tu sors quand t'es rendu a plus de 2 grammes.
Bouton branlette / ON.
Bon, le journaliste n'est finalement pas que décoratif et semble sentir qu'il y a baleine sous caillou, alors il enquête :
"Et pourquoi diable le vin naturel offrirait-il des ivresses différentes ?"
Il fait bien, car la réponse est grandiose :
J.N.: C'est chimique ! L'autre jour, je participais à un débat avec Claude et Lydia Bourguignon, qui sont un peu les parrains de ce mouvement. Ils sont parmi les seuls agronomes complètement libres car à la tête du seul laboratoire indépendant des influences de l'industrie agrochimique. Ils ont quitté l'INRA il y a trente ans en déplorant que toutes les étude étaient sponsorisées par une multinationale ayant des intérêts économiques dans le sujet qu'elle finançait. Lors du débat, un spectateur ne voulait pas boire de vin car il devait travailler le soir, et Lydia lui a dit : « Buvez donc, vous travaillerez mieux ! ». J'ai alors demandé à Claude et Lydia s'il y avait une explication physiologique à cette impression empirique que j'ai depuis une dizaine d'années que je bois du vin naturel : je m'enivre sans jamais devenir saoul. Leur réponse a été claire. Avec un vin chimique, les enzymes qui transforment l'éthanol dans le foie sont affaiblis. Avec un vin naturel, sans chimie donc sans poison, le foie parvient à métaboliser l'alcool plus vite et la sensation d'ivresse est retardée.

Voilà, c'est chimique.
Çà calme.
En plus on sort l'argument d'autorité histoire de bien planter le décor et d'impressionner les récalcitrants :
"Ils sont parmi les seuls agronomes complètement libres car à la tête du seul laboratoire indépendant des influences de l'industrie agrochimique."
Puis en plus c'est deux rebelles acquis à la cause :


" Ils ont quitté l'INRA il y a trente ans en déplorant que toutes les études étaient sponsorisées par une multinationale ayant des intérêts économiques dans le sujet qu'elle finançait"

Bon, après, le fait qu'ils fassent des fosses dans les vignes mais pas dans les cellules hépatiques est un détail sans importance.
L'important c'est qu'ils sont crédibles puisqu'ils sont là, à disposition, et surtout qu'ils utilisent le vilain mot chimique et le joli mot naturel.
Bon, après, il serait je le crains illusoire de demander sur quelles observations et études se basent ces remarquables conclusions (à part bien sur les déclarations hilarantes des deux plaisantins qui sont ivres mais pas saouls).
Circulez, y a rien à voir.
Le reste est du même acabit, et à franchement parler ce n'est pas une surprise.
Florilège :

J.N. :
La réalité, c'est qu'il faudrait manger vingt pommes chimiques pour obtenir autant de calories qu'une pomme de 1950.

Bel effort de modération, puisque l'on fait ici très probablement référence à un vieux machin de Terraeco qui affirme sans rire que 1 pomme d'aujourd'hui a la même valeur nutritionnelle que 100 pommes de 1950.
Ça plaisante pas !
Enfin çà plaisante pas sur le titre, pour le reste ...
Là aussi, je ne vais pas en remettre une couche pour rien, le truc a déjà été traité par ailleurs : allez donc voir par là pour scier la branche du pommier sur laquelle Heckel et Jeckel se sont assis.
Après çà continue de dérouler comme les sapeurs de la Légion un 14 juillet :


(le journaliste) Certains vignerons naturels s'opposent à une réglementation de leur breuvage ...

J.N. : Une réglementation n'empêchera pas les vignerons chimiques de récupérer sans vergogne l'image du vin naturel comme le fait actuellement Gérard Bertrand, ex-rugbyman reconverti dans la vigne, avec ses dix-sept millions de bouteille par an. Depuis peu, il s'essaie à la biodynamie, mais une biodynamie industrielle, ce qui est contraire à l'esprit même de la biodynamie. On retrouve ses vins dans les salons Air France, cautionnés par le grand ennemi du vin naturel, Michel Bettane.

AIA : Problème : son vin sans sulfites ajoutés n'est pas bio, et soumis à différentes techniques de stabilisation moderne, il n'a donc rien de naturel.


Putain mais que çà pue ce "les vignerons chimiques".
Pour eux, de toute évidence, la vie est simple comme en Corée du Nord : y a les copains nature gentils et le reste c'est des putain de sales chimiques.
C'est à ce genre de "détail" que tu te rends compte que le discours peace and love qui a précédé c'est du foutage de gueule.
Non, les mecs : faut pas oublier que si t'es pas nature t'es qu'un chimique.
Un c-h-i-m-i-q-u-e.
Le genre de nuisible irrécupérable qui fait des vins standardisés, pour plagier un vigneron pourtant sympathique qui parfois se laisse aller à ce genre de galéjade (oui : le même qui, au début de nos échanges, me qualifiait d'archétype de l’œnologue bordelais qui tire le vin vers le bas. Les choses se sont arrangées quand je lui fis remarquer que j'étais né à Carcassonne, avais été formé (en
œnologie) à Toulouse, et ne me risquerais jamais à faire un soutirage par le haut de la cuve. Puis j'ai bien aimé son 2010, aussi.)
Mais je comprends la suite car moi aussi j'ai du mal avec Gérard Bertrand, le rugbyman.
Surtout avec le Stade Français en fait, parce qu'il a beaucoup joué à Narbonne aussi. Ça compense.
Un peu.
Après, moi, la biodynamie industrielle je sais pas bien ce que c'est.
La biodynamie tout court je sais pas bien ce que c'est non plus, remarque.
En revanche je crois savoir que le père de la biodynamie, Rudie Steiner avait comme un problème de fond avec la production d'alcool. Genre l'alcool, ce serait un truc pas compatible du tout avec la biodynamie.
Industrielle ou pas.
Mais j'ai du rater un épisode ou deux.
Sainte Rita, le ginseng et la nature.
Sinon Michel Bettane en grand ennemi du vin naturel ? je sais pas. Faudrait lui demander.
Mais il est vrai qu'il avait pondu un truc rigolo sur le sujet, alors je ne résiste pas au plaisir de le sortir des oubliettes !
(Voir ci contre).
Sinon les techniques modernes sont pas naturelles.
Quant à savoir où s'arrête la belle nature et où commence l'insupportable modernité on sait pas !
Aux sécateurs j'imagine ? Ou à internet.
Va savoir ?
En tous cas si tu mets 10 000 pieds de vigne à l'hectare, ben des fois c'est naturel et des fois çà l'est pas.
Faut faire vachement gaffe aux détails.
Mais dans Télérama, les détails ils les donnent pas. C'est ballot.

Si vous avez envie de vous faire du mal, l'intégralité de l'entretien est consultable par là.

Ah, oui, aussi : contre la gueule de bois, ben picolez ce que vous voulez mais picolez moins. Et buvez de l'eau.
Beaucoup, l'eau.
Lire Télérama, je suis pas sûr par contre.

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