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Un verre de pesticides ? non, juste un doigt.

Par Afust
Rappel des épisodes précédents :
1. une vidéo est postée par L'Obs, on y voit et - surtout - on y entend A. Iommi-Amunategui nous expliquer sa vision du vin.
Le titre du truc c'est : 
"Le vin normal contient 12 pesticides. Le vin naturel aucun"
ensuite vient le pitch
"votre bouteille de vin renferme un cocktail de pesticides. Mais aussi jusqu'à 70 additifs chimiques. La solution pour boire un vin encore meilleur et sain ? Le vin naturel, nous explique Antonin Iommi-Amunategui dans cette tribune vidéo."
Bien formaté pour générer du clic.
Et ça en génère.
Normal.
La routine.
2. Ça fait du clic, donc ça fait réagir.
Diversement.
De nombreuses réaction positives, d'autres - nombreuses aussi - de désapprobation plus ou moins marquée.
Si vous êtes là vous avez dû lire la mienne, sinon elle est là.
Dans un genre différent on pourra (on devra) lire celle de Nicolas Lesaint. Ça se passe sur son blog, juste là.
Y en a d'autres qui s'expriment diversement. Passons.
Un verre de pesticides ? non, juste un doigt.3. AIA choisit de répondre, sur son compte Facebook.
Avec une grande élégance.
Que nous dit il ?
Que puis je en dire ?
"Donc, comme je suis malhonnête, confus, intéressé, j'en passe et des bien pires, je vais revenir sur 2-3 points/chiffres qui apparaissent dans [la] video"
et il achève par ceci :
"Merci à tous les défenseurs, actifs ou passifs, de ce modèle mortifère de venir m'expliquer en quoi il faudrait une seconde de plus poursuivre dans cette direction. Et ne pas plutôt, tou-te-s ensemble, gueuler vive le vin bio et naturel. Allez, j'attends. (Et je dégaine immédiatement un doigt, en guise de réponse à toute insulte ou assimilée.)"

J'imagine que ce qui suit sera interprété comme la tentative de défense d'un système mortifère.
Si demander un débat qui ait un minimum de tenue, sur des bases raisonnables et sans effet de manche (ni vidéo consternante), alors sans doute suis le défenseur d'un système mortifère.
Qu'y a-t'il dans cette réponse en forme de provoc puérile ?
"*70 additifs œnologiques* ; oui c'est l'arsenal dans lequel le viticulteur conventionnel peut puiser pour fabriquer son produit"

Un verre de pesticides ? non, juste un doigt.Ça tombe bien : dans mon précédent billet je le mettais au défi de citer le détail de ce qu'il annonçait : les "70 produits œnologiques additifs chimiques".
Là il commence par nous mettre un lien vers le site de l'IFV et son outil d'évaluation des pratiques œnologiques bio.
Bon, le mec qui affirme un truc et qui, en substance, te dit ensuite : "vas y gars je te mets un lien démerdes toi", perso je trouve ça magique.
Pour enfoncer le clou il ajoute :
"Certaines sources évoquent 300 pratiques et traitements œnologiques autorisés ; avec mes 70 je suis en fait très gentil."
Forcément on a un lien pour appuyer tout çà (qui n'est plus  : "70 produits œnologiques additifs chimiques" mais est devenu "des pratiques et traitements œnologiques autorisés".
Ah, les joies de la sémantique ...

Bon, allez, le lien c'est le dico du vin et ça fait envie non ?
Donc, selon le "dico du vin", quels sont les 300 (ou les 70 ?) produits œnologiques additifs chimiques ?
Ça commence très très fort :
"Produits chimiques (autorisés dans le vin) :
outre les levures exogènes chimiques à tous les arômes, de la framboise au cassis (il en existe plus de 200), quelque 300 pratiques et traitements œnologiques sont autorisés au niveau communautaire européen, chaque pays ayant également sa propre liste complémentaire.
"

Comment te dire ...
La levure fermentaire, Saccharomyces cerevisiae, est une levure. Un organisme vivant. Une bestiole. Ça bouge (pas trop en fait), ça fait des trucs, et puis aussi ça fermente les sucres. Ça fonctionne selon des principes super cool que j'explique dans les billets supra cools dont je donne les liens dans ma première réponse à AIA ... qui n'a donc pas dû me lire et qui a visiblement eu tort.
Parce que s'il m'avait lu il se serait (peut-être) pas ridiculisé avec son lien vers le dico du vin : Saccharomyces cerevisiae, depuis Pasteur (çà fait juste 1 siècle et demi) on sait que c'est pas de la chimie.
En outre aucune a-u-c-u-n-e Saccharomyces cerevisiae n'est jamais j-a-m-a-i-s aromatisée. Toutes (t-o-u-t-e-s puisque de ce point de vue là indigènes ou sélectionnées c'est pareil : les sélectionnées étaient des indigènes avant leur sélection !) peuvent, selon ce qu'elles sont et les conditions dans lesquelles elles se trouvent, être plus ou moins aromatiques. Aromatiques, pas aromatisées. Et ça n'a rien à voir (à ce stade pour en savoir plus il faut aller sur mes billets levures que j'évoque plus haut).
En revanche la levure chimique, ben en fait c'est pas une levure.
La levure chimique, là c'est bien de la vilaine chimie de la mort qui tue : du bicarbonate de sodium et un acide. Avec çà tu peux faire lever tes gâteaux parce que quand tu mets de l'eau il y a une réaction acide / base qui dégage du gaz carbonique (pardon : de l'anhydride carbonique. Bouge pas je reviens de suite sur l'anhydride carbonique).
Je déconseille de mettre de la levure chimique dans un moût. Mais tu fais comme tu sens hein ?
T'en veux un lien sur les levures ?
En voici un.
Là t'as les levures œnologiques commercialisées en France et ce qu'elles font.
Quelques limites au truc (pardon Marion), car y a toujours au moins une limite au truc mais on en parle quand vous voulez (en résumé : 1. c'est du déclaratif, et des marques commerciales. Il n'est donc pas impossible qu'il y ait des doublons. 2. la levure c'est pas un boulon de 12 : son comportement dépend des conditions dans lesquelles elle se trouve).
Renée Boisson (Sicarex Beaujolais) avait aussi, en son temps, sorti un gros machin velu sur le même sujet, je ne sais pas si c'est encore consultable.
Donc dans le lien dico du vin y a : anhydride carbonique
Gaz carbonique quoi.
OK : c'est chimique, le gaz carbonique (quand on dit anhydride carbonique c'est vachement plus anxiogène, alors moi je préfère gaz carbonique).
Cependant, la levure (la vraie, celle qui fermente) quand elle fermente les sucres elle produit essentiellement de l'alcool et ... du gaz carbonique. De l'anhydride carbonique.
Attends ... oui, ça me revient : AIA dans sa vidéo il nous dit :
"Le vin naturel c'est l'inverse, vous l'ouvrez : ah ça pétille un peu"
Le truc qui pétille, ce serait pas de l'anhydride carbonique, ce sale truc chimique !? produit par des levures en plus ?
Selon AIA et le Dico du vin il y a de la chimie dans le vin naturel !? Ça craint salement je trouve. Faut le mettre sur l'étiquette : "contient de l'anhydride carbonique".
Informer le consommateur, tout ça.
Bon, on va pas y passer la nuit : faut encore que je fasse rentrer les poules. Oui j'ai deux poules : Roule, ma poule et aussi la poule ovaire. C'est naturel : la poule étant un animal social, seule elle s'emmerderait gravement.
La nuit les poules ça s'abrite, moi j'écris sur mon blog.

Tir groupé pour gagner du temps :"acétate de plomb, bromure mercurique, chlorure stanneux, iodure de potassium, acide nitrique, acide sulfurique, zinc platiné, zinc pur, acide borique, ..."Magique.
Bon chimie hein ?
Du lourd.
Le seul petit problème est que ce ne sont pas des ... comment dit il ?
Ah oui : "produits œnologiques additifs chimiques".
Non, là, c'est plutôt du produit de nettoyage ou des réactifs chimiques pour les labos. Genre ceux qui permettent de savoir combien y a de soufre dans ton vin.
Bon remarque : y a une certaine cohérence, y veut pas de soufre dans le vin, donc y veut pas non plus de thiosulfate de sodium, d'acide sulfurique ou d'iodure de potassium qui permettent de le doser, dans les labos.
Incidemment on notera que personne ne penserait à mettre ça dans le vin. C'est donc chimique mais ça n'a jamais été des additifs œnologiques.
Passons sur caséinealbumine d’œuf ou colle de poisson déjà évoquées dans mon précédent billet. Ce ne sont pas des additifs et ce n'est pas chimique

Je te sens couiner, oh lecteur pas convaincu : arrête de suite steuplait. Tu couines parce que tu penses que je pinaille.
Que nenni, je ne pinaille pas : je m'intéresse au sens des mots.
Les mots ont un sens, et notre ami utilise sciemment des mots avec un sens qui n'est pas le leur.
Ça sent le soufre.
Sans doute est ce pour cette odeur de soufre qu'il ose ceci :
"Et tiens, rien de tout ça n'a à paraître sur l'étiquette, sauf la mention "contient des sulfites" (sans préciser combien, sinon c'est pas drôle) et, depuis quelques années, une mention liée à certains allergènes (très peu respectée, cela dit, d'après ce que je peux en voir)."
Ça sort d'où ce "très peu respectée d'après ce que je peux voir" ?
Tu bosses aux fraudes garçon ?
Ou alors t'as un autre lien internet de la mort qui tue qui dit (et de préférence prouve) ce genre de chose ?
Une vidéo peut-être ?
Sans déconner ...
C'est quoi cette nouvelle insinuation à deux balles !?
Moi de ce que j'en ai vu (parait que j'ai un peu bossé dans un labo qui vérifiait ce genre de plaisanterie) c'est tout à fait respecté.
On fait quoi maintenant on la joue à Chifoumi ?
Sinon il y a aussi les bactéries qui ne sont pas chimiques et qui n'aiment pas non plus le soufre. Il les tue le soufre.
Tu te souviens ? le soufre c'est un truc en -cide.
Puis la thiamine (ou le chlorhydrate de thiamine, c'est exactement la même chose donc ça ne fait pas 2 produits, mais 1 seul) : c'est la vitamine B1, un truc essentiel au développement de la levure (celle qui fermente). On doit pouvoir considérer que c'est chimique (mais c'est bouffé par la levure, donc de là à dire que c'est un additif au vin ...).
Trop drôle : la thiamine est un hétérocycle, relié par un pont méthyle ... qui est détruit par le soufre.
La thiamine aime pas le soufre ? alors c'est de la chimie, mais elle est plutôt gentille pour de la chimie
(J'arrive à faire simple, voire simpliste, alors je pense faire des vidéos, bientôt).
Bien sur, y a le soufre - un (vilain) produit œnologique additif chimique - dans la liste. Il y est sous une forme ou une autre : anhydride sulfureuxbisulfite d’ammoniumbisulfite de potassiummétabisulfite de potassium.
OK : additif chimique.
Je compte 1 additif, je suppose qu'il doit compter 4.
Au moins 4.
Passons sur le soufre, ça devient chiant, là.
Alors quoi : phosphatesulfate diammoniquesulfate d’ammoniumsels d’ammonium, ammoniaque ?
Tout ça c'est tout pareil : de l'azote ammoniacal. Minéral si tu préfère. Chimique, pour faire plaisir à notre ami.
Ce truc, pour les levures c'est comme les patates pour nous : ça la leur file, la patate.
Car si elles en manquent elles meurent et la fermentation s'arrête, et c'est toujours un peu gênant une fermentation qui s'arrête avant la fin.
Si t'es en bio t'as droit qu'au Phosphate.
A l'époque où j'étais un mec sérieux qui perdait pas son temps à traiter de causes perdues sur son blog je m'étais intéressé au truc. Une partie se passe juste là.
Bon, on va pas y passer la nuit ...
Donc quelques remarques avant d'aller au lit :
- le pinard, la vinification, les produits œnologiques, tout ça, je veux bien en causer. Pas de souci.
Mais faudrait juste être sérieux deux minutes et arrêter de balancer des chiffres à la con juste parce qu'on les a lus sur la liste à la con d'un site à la con.
Puis aussi se poser la question des additifs (ce que l'on ajoute au moût ou au vin et qui fera partie intégrante du vin) et des auxiliaires (ce qui intervient dans la vinification - les levures par exemple - mais ne se retrouve pas dans le vin).
Si on pouvait, alors, éviter les ridicules effets d'annonce juste pour faire du buzz, ce serait vraiment reposant.
- sur ces bases là, une fois qu'on saura à peu près de quoi on cause, on devrait pouvoir se poser la question de ce qui peut ou doit ou devrait être étiqueté.
Moi, sur le sujet : y a des trucs qui me chiffonnent, mais qui semblent normales à d'autres.
Ça aussi on peut en causer.
Donc il faudrait indiquer la présence des additifs sur l'étiquette.
Parmi les additifs (pas forcément chimiques hein ?) y a des trucs qui sont naturellement présents dans le vin : tanins, acide tartrique, ... 
C'est des additifs car on peut en ajouter au vin. C'est pas obligatoire ni systématique mais on peut.
Mais ce sont aussi des constituants naturels du raisin et donc du vin.
Si je comprends bien : quand on en ajoute on devrait les indiquer dans les ingrédients étiquetés. En revanche, si on n'en ajoute pas il n'est pas utile d'indiquer leur présence (pourtant réelle).
Et on me dit que dans ces conditions on informe le consommateur ?
J'avoue ne pas comprendre cette logique d'information qui demanderait de donner une partie de la recette, mais pas la composition. Ou pas tout le temps.
On pourrait aussi causer des pesticides.
"*99% des vins conventionnels contiennent des résidus de pesticides* ; oui, c'est un fait -- un fait -- prouvé notamment par une enquête du magazine "Que Choisir" en 2013, qui le démontre (le taux de contamination était même de 100% dans leur enquête)"
Comment te dire : c'est pas 100 % des vins, c'est 100 % des vins testés.
Faut voir comment l'échantillon 
a été choisi
Je te dis pas que c'est normal que ces vins soient touchés. Je te dis juste que comme tout résultat ce qui importe avant tout c'est le protocole. Puis que l'on doit s'interroger sur les valeurs obtenues et leur signification.
Et je te dis aussi que balancer des trucs en vrac c'est naze.
Tiens si on allait voir à la source, de préférence en prenant du recul ?
Ça se passe là.

Sinon, les trucs réellement toxiques on s'en tamponne le coquillard avec une patte d'alligator femelle ?Il est donc vital de signaler un levurage, mais l'ochratoxine A, le carbamate d'éthyle ou les amines biogènes on s'en cogne ? Pas besoin d'informer qui que ce soit !
Ben ouais : tout ça c'est naturel et naturellement présent dans le vin, je suis con.

Bon, allez, ça ira bien comme ça (le glyphosate on verra plus tard. Ou pas).
Non, juste un dernier truc :
tu sais où tu peux te le mettre, ton doigt ?


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