Sur ce blog, je me suis fait une spécialité de traquer les incohérences, voire les insuffisances, rencontrées sur tel ou tel media traitant (le plus souvent maltraitant) du vin.
Y a du boulot ...
Et, de mon point de vue, c'est assez efficace : à l'exception (inexplicable) d'un billet commentant les réactions à un compte rendu de dégustation au Chateau de Reignac, mes billets les plus lus sont dans la droite ligne de ce mode opératoire.
Récemment un site prétendument informatif me faisait tomber de ma chaise, et je m'en expliquais donc dans ce billet.
J'eus, comme d'habitude, droit à diverses réactions violentes dont, c’est l’usage, aucune ne me répondait sur le fond.
Or à bien y réfléchir il y avait pourtant une réponse qui me semble évidente :
"ok : ce site dit des conneries, mais si on veut protéger le consommateur et lui éviter des ennuis de santé que lui dit-on ? (au-delà du fait qu'il y a de l'alcool)"
Je me lançais donc dans une mini-série à propos:
- d'abord des amines biogènes, même si je ne suis pas convaincu de leur réel danger quand on en vient au vin.
- puis du carbamate d'éthyle.
J'avais, ensuite, prévu de m'intéresser à l'Ochratoxine A ... sans me fixer de date et, donc, sans me décider à me poser devant l'ordinateur afin d’y passer le temps nécessaire à l'écriture de ce billet.
Entre temps je me suis penché sur l'attaque en règle de "Alerte aux Toxiques" contre certains vignerons revendiquant la Haute Valeur Environnementale.
Je ne reviens pas, ici, sur ce sujet qui mériterait probablement d'être développé. Si ce n'est pour dire que ce thème des pesticides et de leurs éventuels résidus me fournit une intéressante passerelle vers la question de l'OTA (Ochratoxine A).
Cette question intéressant surtout les vignerons sudistes, je commence par un qu'es aquò ?
L'OTA est une toxine produite par des champignons (= mycotoxine) et que l’on est susceptible de consommer par l’intermédiaire de multiples produits alimentaires qui vont des céréales au café, en passant par les fruits secs (amis du petit déjeuner healthy, bonjour).
Il va de soi que l'on en trouve aussi dans les moûts et les vins.
Quand je dis qu’elle est produite par des champignons je devrais plutôt dire « par des moisissures » (Aspergillus, ou Penicillium). Dans le cas du vin on s’intéressera à Aspergillus carbonarius.
Quel est le problème ?
Comme toujours il y a un facteur dose, sur lequel je reviendrai. Le risque, pour des teneurs trop élevées, réside dans la cancérogénèse liée à la présence de l’OTA qui est, en outre, toxique pour les reins ainsi que tératogène (= toxique pour le fœtus). Excusez du peu !
Il pose et impose des limites ! qui sont valables depuis 2005. Le 1er avril.
On ne va pas s’empêcher de travailler le 1er avril mais force est de constater que çà ne renforce pas la crédibilité (réglementation CE No.123/2005).
Ce règlement impose une limite maximum de 2 µg/L d’OTA pour tout type de vin tranquille ou effervescent, sauf VDL ou vins dont le TAV est au-delà de 15% d’alcool (nota : 1µ c’est 0,001 mg ! on parle donc de 0.002 mg/l au maximum !)
Si ce règlement concerne les vins il s'impose aussi aux mouts. Pour l'ensemble de ces produits, il est la règle quelles que soient leurs formes, donc même s'il s'agit de boissons ou de cocktails aromatisés.
La valeur a été fixée conjointement à la DJA (Dose Journalière Acceptable) qui est de 5 ng/kg du consommateur.
Que peut faire le vigneron ?
J’ai une préférence marquée pour les méthodes préventives. Ici elles sont évidentes : empêcher l’implantation et le développement des microorganismes produisant l’OTA.
Comment y arriver ?
D’abord en observant qu’A. carbonarius est une moisissure sudiste puisqu'elle affectionne soleil, températures élevées et humidité (par exemple maritime). Ensuite en prenant les contre-mesures liées à cette observation liminaire !
D’où la nécessité, ici aussi, d’avoir des raisins sains dont l’intégrité des pellicules a été préservée.
On évitera donc l’humidité tout en en veillant à maîtriser la vigueur. De plus effeuillage et éclaircissage peuvent être des aides précieuses.
Si les praticiens ne disposent pas de matière active spécifique d’Aspergillus carbonarius ils peuvent (doivent !) donc lutter contre le ver de la grappe qui facilite son implantation. En outre certains anti botrytissemblent efficaces contre Aspergillus lui même.
On pourra, dès lors et au vu de la récente actualité, se poser la question de la bonne option : lutte chimique contre Aspergillus carbonarius ou ses cofacteurs pour empêcher son implantation et la production d’OTA, quitte à éventuellement avoir des résidus de pesticides dans le vin ... ou bien laisser courir au risque d’être contaminé ?
Je ne crois pas que cette dernière option en soit une ! en effet si la teneur maximale autorisée (2 µg/l) est dépassée il est interdit de traiter le mout ou le vin afin de diminuer cette valeur. Le vin est donc définitivement impropre à la consommation !
Notons que la lutte biologique est envisageable grâce à Trichoderma, un champignon antagoniste d’Aspergillus.
Que faire en vinification ?
Limiter macération et triturations pour ne pas (trop) "enrichir" le vin … autant dire que quand on veut vinifier en rouge ce n’est pas gagné !
Collages, charbons et recours à telle ou telle levure ne donnant pas de résultats réellement satisfaisants une nouvelle option a été développée car elle semble plus intéressante : il s'agit de ces fameuses fibres végétales – utilisées lors de la filtration (qui semble avoir, par elle-même, un petit effet) - évoquées dans le communiqué d’ « Alerte aux Toxiques ». En effet elles permettent d’éliminer tout ou partie des résidus de pesticides … mais aussi de fixer et, donc, éliminer l’OTA.
Vous l'aurez compris : je trouve intéressant de se pencher sur l’OTA, un danger avéré dont personne ne parle (en dehors de la presse spécialisée), et dont les seuls moyens permettant de s’en protéger (tant en préventif qu'en curatif) sont précisément ceux qui ont été vilipendés par « Alerte aux Toxiques » …
On pourra donc, sur ce point précis de l'OTA, se poser la question de la qualité sanitaire de certains des vins élaborés dans le sud de la France, par ceux qui refusent par principe tout intrant et toute intervention.
A suivre …