Je suis entré dans la Bande Dessinée comme on entre chez sa grand-mère.
Enfin surtout dans la chambre en haut à gauche : la chambre de Robert, mon plus jeune oncle.
Dans l’immense placard qui faisait face au lit et à son immuable couvre-lit vert bouteille il y avait des années de BD : l’intégralité des hebdomadaires Spirou depuis l’immédiat après-guerre mais aussi la totalité des albums de Tintin, Astérix, Lucky Luke et, bien entendu, Spirou … mais aussi Gaston Lagaffe, ou encore Tif et Tondu.
Une immense armoire pleine de trésors qui, tous, étaient passés entre les mains de mon grand-père, de ma mère et de mes oncles et tantes. Alors mes nuits dans « la chambre de Robert » à fouiller le placard sans me faire repérer avant de lire sous les draps, à la lampe à piles : c’était un truc à créer une vocation d’archéologue.
Ou de cambrioleur.
Jusqu’à mes 16 ans ces BD m’ont suivi (c’est l’avantage majeur d’être le premier des petits enfants !) et, au fil des ans, j’ai fidèlement perpétué la tradition familiale de l’abonnement à Spirou et de l’achat des nouvelles parutions d’Astérix, Lucky Luke ou bien Spirou et Fantasio.
Puis j’ai eu 16 ans et nous sommes partis à Tahiti alors que les BD sont restées. Beaucoup ont été perdues, et ce n’est que très récemment que j’ai pu en récupérer une petite partie.
Au retour de Tahiti, en Fac, j’ai découvert la BD … moderne ? adulte ?
Autant que je me souvienne c’était avec la série « les passagers du vent », de Bourgeon.
La BD, je suis alors à nouveau tombé dedans. Et j’ai recommencé à acheter à tour de bras.
Jusqu’à évaluer ma collection au mètre.
Jusqu’à me retrouver impliqué dans le festival de BD de Montauban (qu’on ne devrait jamais quitter ? l’opinion doit pouvoir se discuter …).
C’était au milieu des années 80 et j’ignorais encore le vin … même s’il subsiste des traces qui laissent penser que certaines choses se mettaient en place ...
Car le vin j’y suis venu plus tard, et c’est une autre histoire … ou pas.
« Ou pas » car m’intéresser au vin m’a conduit au Diplôme national d’œnologue, dont j’ai suivi les enseignements par la voie de la formation adulte.
C’est très confortable car cela permet de se former en étant rémunéré.
C’est assez pénible car cette rémunération représentait une fraction (56%) de ma précédente rémunération et qu’en termes d’équilibre budgétaire c’était donc parfois (très) compliqué !
Pour une partie non négligeable les réajustements budgétaires ont été facilités par la vente de nombreux mètres de ma collection de BD. Une collection qui a fondu comme neige au soleil et, même s’il me reste quelques albums ou litho qui me sont chers, il m’arrive parfois de regretter tel ou tel qui fut vendu au profit de TP de pédologie ou de chimie analytique dont j’aurais aimé pouvoir faire l’économie.
Sabrer la collection, voir partir l’EO de "la Bête est morte", les pubs de Benjamin Rabier, les lithographies d’Enki Bilal et le tirage de tête dédicacé par Jacques Tardi : tout çà m’a à peu près guéri de la BD et je n’en ai plus acheté et lu que de façon épisodique.
J’étais passé à autre chose.
C’était d’autant plus facile que j’étais dans un milieu où l’on parlait peu ou pas BD : je n’avais pas l’impression que c’était trop le truc de mes petits camarades, la BD.
J’ai dû me tromper.
« J’ai dû me tromper », car je viens d’acheter une BD, à nouveau, après tout ce temps.
Et c’est la BD (aujourd’hui on dit « roman graphique ») d’un copain de promo : Nicolas Lesaint.
Oui nous sommes de la même promo de DNO.
Toulouse 1998.
Lui venait d’être diplômé (Ingé Agro), alors qu’après avoir fait de l’import-export de fruits et légumes je sortais de quelques années à mettre en place des formations pour adultes en reconversion professionnelle dans le monde agricole.
Des « Martin ».
Avec Nicolas, la première fois que l’on s’est retrouvés était, je crois, dans le cadre du cours de géo viticulture de Pierre Casamayor.
Il me semble en effet - sans pouvoir l’affirmer avec certitude - que nous faisions partie du groupe s’occupant du Val de Loire. Ce qui est certain est que cela m’a permis d’entrer en contact avec le Domaine des Baumard et son « Clos Papillon » qui, depuis, me suit avec un égal bonheur.
Pourtant je crois bien que lors des premières soirées DNO on ne buvait pas que du vin.
Mais peut-être faudrait il le vérifier auprès de Nicolas, Alexia, et les autres ?
Peut-être faudrait-il aussi leur demander leur sentiment sur tel ou tel cours ?
En ce qui me concerne, je ne garde pas un souvenir ému des cours de viticulture, ni des séances de taille.
Déjà, je préférais la microbio.
Pour autant mon mémoire de fin de DNO a porté sur deux thématiques bien différentes (pourquoi faire simple ?).
L'une d’entre elles étant l’évaluation du potentiel phénolique de la vendange (de Négrette) et ses conséquences sur la gestion de l’extraction et la stabilisation de la couleur
(l’autre ? les biotechnologies vinicoles.
Forcément).
Mais j’arrête de tourner autour du pot !
Vous l’aurez compris (enfin j’espère) : le « Couleur vigne » de Nicolas Lesaint c’est une histoire, des histoires.
Des histoires qui s’entremêlent, des histoires de rencontres, de parcours personnels, de changement de vie, de découverte du vin et de ce qu’implique son élaboration.
C’est tout çà et c’est aussi une initiation didactique au travail de la vigne et du vin.
En outre, au fil des pages on trouvera telle ou telle référence que certains verront et décoderont.
Ou pas.
Et c’est très bien ainsi car ça vous parlera forcément, comme çà parlera à chacun de nous.
Mais pas forcément de la même manière car nous n'utiliserons pas les mêmes référentiels pour lire, interprêter et comprendre cette histoire.
Tout comme j'imagine que nous n'interprêterions pas un terroir de la même manière ....