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La baguette viennoise et son histoire

Par Boljo
La baguette viennoise et son histoire

Baguette viennoise

C’est par hasard que je suis tombée sur l’histoire de la baguette viennoise  en cherchant à faire mon levain. Je suis une véritable quiche sur le sujet, trois fois que je le rate (j’étais une quiche car depuis j’ai réussi mon levain, ; voilà ce que c’est de préparer des articles à l’avance et de les sortir de manière anarchique).

Des tonnes de recettes existent, le vocabulaire change, personne ne le nourrit aux mêmes heures, ni ne lui donne les mêmes quantités à manger… si j’ai à peu près compris l’étape du démarrage, j’ai beau lire et relire, après je bloque entre le levain chef et celui qui va devenir utilisable pour faire mon pain qu’on dit exceptionnel (pas mon pain, pas encore mais celui avec mon futur levain), c’est pas gagné ! (Depuis ça l’est, et au mépris de la tradition, j’ai même fait une baguette viennoise au levain).

Interpellée par l’histoire de la baguette viennoise liée à celle de notre baguette blanche, je m’intéresse à la chose, pousse plus loin mes recherches, pour me rendre compte que finalement je ne sais rien ou presque de ce pain long typiquement attaché au français et à son béret (désolée pour le cliché mais l’image à la vie dure). J’ai d’ailleurs déniché un mémoire de maîtrise sur le sujet (si, c’est sérieux, ici), la vision de la France à l’étranger à travers la baguette de pain. Ce qui en soit est une meilleure approche que les petites femmes de Paris ou l’arrogance du français à l’étranger ou l’hygiène du français et son rapport avec sa savonnette et sa brosse à dents. N’y voyez pas malice de ma part, ni mauvais jugement de valeur, je me fais simplement le relais de quelques remarques ou lieux communs, comme on voudra, entendus lors de voyages à l’étranger.

De lait en farine, forcément, j’ai eu envie de confectionner de la baguette viennoise, certes un peu raccourci, je n’ai ni le four ni les bannettes à la bonne taille.

Je cite Magali Marguin, lauréate du Prix Jean-Baptiste Duroselle pour son mémoire de maîtrise :

La vision de la France à l’étranger à travers la baguette de pain

« C’est un sujet très… insolite ! » me répond-on, un sourire en coin, à l’énoncé du sujet de mon mémoire de maîtrise. Le sérieux revient rapidement lorsque j’explicite le titre : « Il s’agit de rechercher les origines du cliché du Français, béret sur la tête, baguette sous le bras ».

Cette image simple prête à rire : de la sorte, on maintient une certaine distance avec elle. Pourtant, le rictus est contrarié car l’image de la baguette est prégnante, elle existe bel et bien à l’étranger, mais aussi en France, « pour les touristes » souligne-t-on.

Tout comme la baguette à une histoire, l’image associée à ce produit atypique en a également une. Sujet certes atypique, la reconstitution de ce cliché n’en fait pas moins appel à l’histoire économique, à la psychologie collective, à l’histoire des relations internationales, bref à un champ d’investigation extrêmement large. Les sources peuvent se trouver partout, quelle que soit la nature du document : ouvrages de boulangerie, reportages télévisuels ou radiophoniques, cartes postales, manuels scolaires, articles de presse, souvenirs individuels… Les media, les supports de la communication sont, de manière générale, les véhicules privilégiés des clichés…

… L’origine de la baguette de pain remonte aux années 1830 lorsque le pain viennois est introduit en France. Ce pain long, à base de levure de bière et non de levain, est cuit dans un four à vapeur ce qui permet l’apparition d’une croûte : c’est un pain aristocratique, ancêtre de la baguette. Parce que ces pains blancs dits de fantaisie sont détaxés et parce que les habitudes alimentaires des citadins changent, le pain long se répand en ville. Sa composition change : le lait est supprimé ce qui abaisse les coûts de production et par conséquent, le prix de vente. Le pain viennois ainsi transformé devient un pain de travailleur, acheté quotidiennement du fait de son faible poids et de sa mauvaise conservation.

De plus en plus long, ce pain non moulé doit être mis à reposer dans des pannetons, paniers en osiers oblongs destinés à conserver sa forme au pain façonné ; d’où le nom métaphorique de « baguette ». Seul pain au monde ayant cette forme, il attire l’attention des voyageurs en France et celle des locaux entourant les Français expatriés.

Après un retour au pain noir lors de la Première Guerre mondiale, la baguette des années trente atteint l’apogée de sa qualité et de sa consommation. C’est à partir de cette période que naît véritablement une image autour de la baguette. Les caractéristiques de ce pain rappellent celles des Français : simplicité et originalité du genre de vie. La baguette fait alors penser au Français se rendant à la boulangerie, lieu de sociabilité du village, pour acheter son pain quotidien, aliment basique mais goûteux. Ce que les Français ne remarquent plus, les étrangers le constatent et le recherchent quand ils viennent dans l’Hexagone : tout le monde va, chaque jour, dans une des multiples boulangeries du quartier pour acheter sa baguette qu’il ramène sous le bras, éventuellement en grignotant le bout.

Cette image est véhiculée aux Etats-Unis, en Europe et dans les colonies par les écrivains, les cinéastes, les soldats, les touristes, les administrateurs et autres voyageurs.

Après la Seconde Guerre, la boulangerie française se modernise. La baguette étant un pain facilement mécanisable, les pétrins et les fours se perfectionnent : l’industrialisation de la baguette, la massification de la production corrélative entraînent la création d’un nouveau modèle de panification à la française, à côté du modèle anglo-saxon (pain de mie).

Contrairement aux petits artisans, les industriels de la boulangerie ont les moyens de s’attaquer aux marchés étrangers. Ils utilisent l’image de la baguette comme produit typé à l’origine d’une vie saine et sans complication, pour exporter du pain puis lancer une production hors des frontières hexagonales. Le pays d’accueil doit être intéressé par le produit et doit avoir les moyens de financer les machines, les importations de farine et de levure, l’acquisition du savoir-faire. Toute la filière farine française est impliquée dans l’exportation. Une méthode de conquête des pays se met en place : du Japon dans les années cinquante aux pays européens dans leur ensemble, une nouvelle géographie de la baguette voit le jour durant les années 1960. Les courbes d’exportation de pain et de machines de boulangerie attestent de cette augmentation rapide de la demande mondiale en baguette, toute proportion gardée.

La conséquence de cette politique industrielle est l’utilisation de l’image de la baguette comme argument de marketing : sa véracité n’est pas un souci, tant qu’elle fait vendre. Toutefois, la France a continué à changer : les Français consomment de moins en moins de pain, ils sont en grande majorité des citadins qui ont abandonné la vie traditionnelle du village depuis des décennies. L’image, ainsi coupée de sa base réelle, se mue en stéréotype, ou cliché.

Dans les années quatre-vingt, une petite révolution affecte le monde de la boulangerie française avec la surgélation des pâtes crues et la maîtrise de la fermentation en différé. Ces nouvelles techniques permettent d’exporter à moindre coût et en plus grande quantité des pâtons surgelés dans les pays n’ayant pas les moyens de former des boulangers. Les pâtons sont fabriqués en France, avec le savoir-faire et les ingrédients locaux ; ils sont cuits dans des fours spécialement conçus pour une main d’œuvre peu qualifiée. Tel est le cas en Chine.

Les répercussions de cette technologie sont importantes sur la restauration hors foyer (RHF). La restauration rapide à la française, à base de sandwichs-baguettes, y gagne un second souffle en pouvant s’adapter à la demande, sans avoir un surcoût dû à la gestion de stocks périssables. Ainsi, quelle que soit l’heure de la journée, le pain est toujours chaud et quelle que soit la demande, il y a toujours choix et quantité.

De grandes sociétés de RHF (Restauration Hors Foyer) …. s’implantent massivement à l’étranger : Royaume-Uni, Allemagne, Etats-Unis, Canada, Japon, Singapour et bien d’autres pays encore sont les lieux d’une concurrence acharnée entre les marques françaises et étrangères, et même entre Français.

Aussi y a-t-il peu d’endroits dans le monde où on ne peut trouver de pain français. Tout comme la baguette s’est adaptée au mode de vie français à la fin du XIXe siècle, elle se transforme également au contact des autres cultures : elle raccourcit et épaissit en Extrême-Orient, elle est fourrée en Allemagne et en Angleterre, elle est faite avec de la farine complète aux Etats-Unis. Son nom évolue également : pariguette, miniguette, bioguette… A défaut d’une législation stricte sur la définition et le contenu du produit, la baguette à l’étranger et même en France est mal protégée.

En conséquence, tout le monde n’associe pas le même pain au mot « baguette », ni la même image. Pour une minorité d’Américains, la baguette ne représente plus la France. Pour certains, le stéréotype du Français baguette sous le bras est rétrograde et passéiste. Pour d’autres, c’est le folklore français ; son charme désuet n’a rien de dégradant…

La baguette viennoise et son histoire

Baguette viennoise

POUR DEUX BAGUETTES VIENNOISES

La baguette viennoise et son histoire
Pétrir dans la MAP, au robot ou 10 mn à la main

  • 500 g de farine
  • 1/2 c à c de levure de boulanger
  • 30 cl de lait demi écrémé tiède (ou 4 c à s de lait en poudre dans 30 cl d’eau tiède)
  • 1/2 c. à café de sel
  • 60 g de sucre
  • 60 g de beurre ramolli
Laisser lever la pâte 1 h 30 à 2 h, façonner deux baguettes. On peut aussi mettre la pâte dans un moule à cake ou une forme à baguettes si vous en avez. Dorer à l’oeuf ou avec 1 c à s de lait tiédi avec un peu de sucre. Faire des grignes ou pas. Faire lever à nouveau 1 h à 1 h 30. Cuire à four chaud, 210° (Th 7) pendant environ 20 mn.
La baguette viennoise et son histoire

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