Avant le bling-bling à l’Elysée, les vignes ! Non, la plante n’a jamais envahi le parc de l’Elysée mais un viticulteur y occupa le Palais. En effet, Armand Fallières, président de la République de 1906 à 1913, était aussi viticulteur. Il imposa à la République l’agenda de la vigne…
Revenons d’abord sur sa carrière politique, réalisée sous la IIIe République. Originaire du Lot-et-Garonne, il est élu maire de Nérac en 1871 et entre à l’Assemblée Nationale parmi les républicains de gauche en 1876. Il occupe par la suite des fonctions ministérielles telles que Président du Conseil en 1883 ou ministre de l’Intérieur en 1882 et est présent dans les nombreux gouvernements de la république naissante. Mais sa carrière culmina avec son élection à la présidence de la République contre Paul Doumer, le 18 janvier 1906.
Les principaux faits de sa Présidence sont le renforcement opéré de la Triple Entente, alliance avec le Royaume-Uni et l’Empire Russe et son opposition à la peine de mort. Il gracie en effet systématiquement les condamnés à mort dans les premiers temps de son mandat.
Armand Fallières et le vin
Pour ce président, le vin n’est pas seulement un accompagnement des réceptions ou un outil diplomatique. Le président a un contact charnel avec les vignes car il est propriétaire de vignes à Nérac dans son “cher” domaine de Loupillon. En automne, il suspend les activités élyséennes et se rend en train spécial à son domaine pour assister aux vendanges. Le privilège présidentiel de l’époque, en sorte…
Son rapport à la terre et son amour des bonnes choses le rendirent populaire, bien plus que son successeur le lointain et sévère Raymond Poincaré. Il fut ainsi le président le plus populaire de la IIIe République et a inspiré dans son attitude certains de ses successeurs de la Ve République.
Par exemple, lors du mariage de sa fille à l’Eglise de la Madeleine, les badauds parisiens s’étaient pressés pour apercevoir cette famille de viticulteurs. Le chansonnier Dominique Bonnaud évoque cet événement dans sa chanson Le Mariage Démocratique:
Ces autochtones
Vénus en personne
Du Lot-et-Garonne
… L’oncle Théodule,
L’oncle Thrasybule,
Les cousins Tibulle et Timoléon
Les vins d’Armand Fallières
Jetons un coup d’œil sur les vins rencontrés dans sa carrière politique.
Armagnac
Floc de Gascogne
Buzet
Le château de Loupillon où avaient lieu les vendanges présidentielles produisait l’ensemble de ces boissons alcoolisées, à savoir : la liqueur Armagnac, la mistelle Floc - boisson alcoolisée sucrée obtenue par mélange de moût de raisin frais - et le vin de Buzet.
Les appellations d’origine n’existant pas encore à l’époque, ils étaient plus connus en tant que vins du Président.
Champagne
Bordeaux -Grand Cru classé en 1855
Pouilly-Fuissé
Beaujolais
Fleurie
Les grands Bordeaux - les Grands Crus Classés en 1855 - et les Champagnes sont servis lors des réceptions et diners. La coutume n’a pas beaucoup évolué aujourd’hui. Cependant, lors des déplacements en Province, ils étaient accompagnés de vins régionaux. A Lyon, on y veillait attentivement.
Le 20 mai 1907, Armand Fallières se fit servir du Pouilly-Fuissé en carafe et le vin du Beaujolais Fleurie 1904.
Raymond Poincaré, en 1914, ne rompit pas avec la tradition. Il se fit aussi servir du Fleurie mais « nouveau » qui vient de faire « ses pâques », ce qui constituait une nouveauté à l’époque.
Auparavant, leur prédécesseur Sadi Carnot avait bu du Beaujolais « grand ordinaire » quelques heures avant son assassinat à Lyon le 25 juin 1894.
Les présidents passent- avec une passion plus ou moins forte du vin- le vignoble reste…