Avec cette lettre, le choix était presque cornélien: Claude Lelouch, Michel Legrand, Francis Lai... et puis Ivan Lins s'est imposé. Je reste dans la musique et je désire tirer un grand coup de chapeau à ce Brésilien de génie, compositeur, chanteur, pianiste, que l'on connaît parfois à travers ses mélodies, sans savoir vraiment son nom, bien qu'il soit couvert de récompenses internationales.
Ivan (prononcez "Ivon") se cache en effet souvent derrière les interprètes de ses chansons, et pas des moindres: Sting (She walks this earth), George Benson, Quincy Jones, Toots Thielemans, Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Elis Regina et bien d'autres. Il est le musicien étranger le plus interprété aux États-Unis après son compatriote, Antonio Carlos Jobim. Il a d'ailleurs vécu près de Boston pendant que son père terminait ses études au prestigieux MIT avant de retourner à son Rio natal.
Heureusement que la musique l'a conquis "sur le tard", dit-il en s'excusant presque de n'avoir commencé à apprendre le piano qu'à l'âge de 18 ans... tout en se préparant à une carrière sportive! A écouter l'harmonie de ses créations, la virtuosité de ses arrangements, la sensibilité de sa voix, on a des frissons en pensant que nous aurions pu ne jamais les entendre!
Il séduit les amateurs de pop comme ceux de jazz, mais c'est quand même ce dernier qui le motive: j'aime la définition qu'il en donne: " Le jazz est une attitude; c'est un mélange d'âme (soul) et de liberté".
Sa musique fait incontestablement partie de la Musique Populaire Brésilienne tout en se démarquant de celles d'un Jobim, Baden Powell ou Milton Nascimento.
Le seul problème avec Monsieur Lins, c'est qu'il est rare en Europe: il y a trop longtemps qu'il n'est pas venu à Montreux, et il ne semble pas avoir assez d'heures dans la semaine pour réaliser tous ses projets. Il a raison, la vie n'attend pas, il le sait: Miles Davis tomba totalement sous le charme de sa musique; on la lui fit écouter, il voulut immédiatement parler à Ivan, décida d'enregistrer vingt-huit titres (oui, 28)... et mourut trois mois après, sans avoir pu mener à bien ces sessions qui seraient sûrement devenues des morceaux d'anthologie...
J'essaie de choisir un titre, un lien, pour partager mon enthousiasme... Il y a l'entraînant Dinorah, Dinorah, plein d'énergie et de rythme, qui donne envie d'entonner le refrain en chœur ou encore son premier succès, Madalena mais aussi Rio de Maio, qui incite à une promenade sur le sable d'Ipanema dans la légèreté d'une brise du soir... J'hésite encore... Lembra de Mim débute par la voix inimitable de Lins qui fredonne, accompagné par la sobriété du violoncelle... Mais bon, je ne résiste pas à sa chanson la plus célèbre, Começar de Novo, (The Island) dont les paroles anglaises sont encore plus sensuelles que celles de la version originale, même si la beauté de la langue fait oublier la force du propos. La mélodie, elle, reste d'une indicible douceur....
Pas étonnant d'entendre Ivan Lins déclarer dans les interviews que si sa musique est ce qu'elle est, c'est parce qu'il est un vrai romantique...
En voici la preuve: