Ah les belles rencontres!!! On nous demande souvent, à nous, blogueurs et blogueuses en tout genre, ce qui nous a motivés lorsque nous avons décidé d'ouvrir un blog. Je réponds toujours "le partage". Mais à l'avenir, je parlerai "d'échange". L'expérience vécue il y a quelques semaines lors des Rencontres de Cambremer me conforte dans cette idée. Souvenez-vous, j'ai été invitée à vivre durant 24h la vie d'un producteur de poiré. C'est dans le cadre de "C'est du Vécu!" que j'ai eu l'occasion de me glisser dans la peau d'un producteur normand perdu dans l'Orne, du côté de Domfront, joli petit village médiéval malheureusement un peu déserté. C'est à Torchamp exactement que se trouve l'exploitation de Jérôme Forget et de son associée Justine Simonklein mais c'est à Flers que l'aventure a commencé. Justine est venue me chercher à la gare sous un ciel gris. Le tutoiement s'est vite imposé. Ce qui m'a permis de vite placer ma blague à 2 balles: faire croire à Justine que je ne buvais pas d'alcool et que je ne comprenais donc pourquoi on m'avait envoyée chez un producteur d'alcool. Vu l'expression un peu gênée de Justine, je n'ai fait durer la blague que 2 secondes. Les blagues les plus drôles sont souvent les plus courtes, hein. L'atmosphère détendue, nous avons fait connaissance. Elle m'a demandé si je connaissais la Normandie. Je lui ai répondu que j'avais fait mes études à Caen. Vint ensuite la question cruciale: "connais-tu le poiré et en as-tu déjà bu?". Je lui répondis que je pensais en avoir bu une fois durant mes 2 ans d'études à Caen mais je savais, au ton de sa voix, que la réponse était déjà contenue dans la question de Justine: je n'avais jamais bu de poiré... Du moins, ce que j'avais un bu avait plutôt tout d'un ersatz.
Le poiré est vulgairement appelé "cidre de poire". Je le confesse, pour ne pas avoir l'air bête devant mes producteurs normands, j'avais acheté une bouteille de poiré "Reflets de France" dans le rayon cidrerie de mon Carrefour. J'ai juste oublié de le goûter avant de partir. Je l'ai fait en rentrant et je dois l'admettre, ce que j'ai bu durant mon séjour en Normandie a bien plus de finesse et n'a vraiment rien à voir avec ce mousseux fruité trop sucré de grandes surfaces. Il faut d'abord différencier le "poiré" et le "poiré Domfont". J'étais en Basse-Normandie pour découvrir le poiré Domfront. N'importe qui peut produire et vendre du poiré mais pour obtenir l'appellation "Domfront" (AOP, Appellation d'Origine Protégée depuis 2004), il faut répondre à un cahier des charges strict. N'importe qui donc peut produire du poiré et y mettre ce qu'il veut comme variété de poire à des pourcentages différents.
Mais pour faire un poiré Domfront, le producteur doit utiliser les poires à poiré issus des vergers locaux situés sur une aire géographique précise qui s'étend du département de la Manche à celui de l'Orne en passant par celui de la Mayenne. Parmi ces poires à poiré, on doit trouver au minimum 40% de poire "Plant de Blanc", variété reine. On peut trouver d'autres variétés complémentaires mais chacune d'entre elles ne doit pas excéder 25%.
La récolte se fait encore majoritairement à la main lorsque le fruit tombe fraîchement de l'arbre entre octobre et novembre et lorsque Justine décrit la récolte, l'image de ces femmes et ces hommes agenouillés au pied des poiriers prend un caractère sacré, comme une prière à l'arbre pour le remercier d'avoir été généreux et lui demandant de l'être durant la prochaine saison.
Le fruit, précieux et fragile, ne doit pas être stocké plus de 72h. La pulpe obtenue par râpage fermentera en cuve avant d'être pressurée. Les moûts résultant de ce pressurage fermenteront au minimum 6 semaines avant d'être mis en bouteille. La fermentation est naturelle. On pourrait ainsi dire que le poiré Domfront est bio.
Le poiré Domfront est donc le résultat d'un travail laborieux et millimitré.
Si ça ne tenait qu'à lui, Jérôme ne ferait que du Poiré Domfront mais les productions sont encore faibles et les jeunes poiriers fraîchement plantés ne donnent pas de fruits avant plusieurs dizaines d'année. La production annuelle de poiré Domfront est environ de 150 000 bouteilles tout producteur confondu ce qui est peu par rapport au 350 000 bouteilles que comptent la production de Cidre Pays d'Auge AOC/AOP. Jérôme est donc aussi éleveur de bovins pour le lait et la viande. Et conscient que la nature fait bien les choses, il laisse ses bêtes paître dans les vergers et sous les poiriers (système du pré-verger) perpétuant ainsi une agriculture traditonnelle et raisonnée.
Justine, quant à elle, est une passionnée de Calvados, passion transmise par son grand-père et espère mettre en valeur l'activité cidricole et spiritueuse.
Que dire alors de cette expérience? Comme durant mon voyage dans le Cantal, j'ai rencontré des gens passionnés et passionnants, fiers de leur terroir et de leurs produits. De bons vivants qui vous accueillent les bras ouverts avec la générosité qui les caractérise, sans barrière aucune. La magie des bulles aidant, les coeurs se sont vite réchauffés, les langues se sont déliées et je me suis sentie comme faisant partie de la famille, entre Jérôme et sa fille Manon, Justine et son mari Jean-Sébastien. Et je vous assure que la famille est importante lorsque le travail est aussi contraignant et dépendant des aléas du temps. La tempête de 1999 a fait d'énormes dégâts dans les vergers du bocage normand et la moitié des poiriers a été définitivement perdu. Il aura fallu du courage et de la patience pour relancer la machine. Certains les ont eus, d'autres ont baissés les bras. Ils sont une petite vingtaine aujourd'hui à produire du poiré Domfront espérant qu'un jour, un fils ou une fille ou encore un passionné reprenne les rênes.
Tout comme le cidre, on trouve des poirés Domfront plus ou moins brut mais de par la finesse de ses bulles, sa palette de couleur allant du jaune pâle au jaune doré, sa diversité de saveurs, je trouve personnellement que le poiré Domfont est plus proche de la majesté d'un champagne.
Je voulais éviter les comparaisons maladroites ou pompeuses car ce serait tellement magnifique que le poiré Domfront existe par lui-même mais le consommateur a besoin d'un repère comparatif. Mais alors quel meilleur moyen de se faire sa propre opinion que d'aller directement au contact du producteur pour goûter ses produits?
Voici quelques liens intéressants:
Producteurs de poiré Domfront dont nous avons dégusté le poiré:
- Jérôme Forget et Justine Simonklein: ferme de l'Yonnière 61330 Torchamps Tél : 02 33 30 84 76
-Gérard père et fils: ferme de l'Oueffrie 50720 Barenton Tél : 02 33 59 47 31
-Frédéric et Catherine Pacory: http://www.pacory.eu/
-Fourmond-Lemorton: Le Douët Gasnier 61350 Mantilly Tél : 02 33 38 71 63
Autres producteurs:
-Pierre Huet: http://www.calvados-huet.com/fr/
Hébergement:
-Au Repos des Chineurs: http://au-repos-des-chineurs.fr/
Visite:
-Maison de la Pomme et la Poire
Merci à Mathilde Piquet de l'ODG du Pays Domfrontais, à Elsa de l'agence Michèle Frêné Conseil et à Céline du blog Je papote qui était elle-aussi chez un producteur de poiré Domfront (http://www.je-papote.com/cest-du-vecu-producteur-poire-domfront.html). Retrouvez aussi les billets d'Elo (http://www.toutunplat.eu/?p=4781) et de Miss Crumble (http://www.miss-crumble.fr/2014/05/festival-de-cambremer-cest-du-vecu/), toutes deux invitées à suivre la conception du Camembert de Normandie moulé à la louche AOP et Valérie de la Francesa aux Fourneaux qui, elle, dégustait le Cavados de M.Huet.
RISOTTO AU GORGONZOLA ET MASCARPONE, TRUITE FUMÉE ET ROQUETTE À L'HUILE DE TRUFFE
Ingrédients pour 2 personnes:
-125g de riz à risotto
-un petit oignon haché finement
-environ 65cl de bouillon de légumes (chaud, c'est impératif)
-du vin blanc ou du poiré
-100g de gorgonzola au mascarpone
-2 tranches de truite fumée
-de la roquette
-huile d'olive parfumée à la truffe
-huile d'olive, sel
Dans une sauteuse, faites chauffer 3 cuillères à soupe d'huile d'olive. Ajoutez le riz et l'oignon haché. Mélangez jusqu'à ce que le riz prenne une belle couleur nacrée. Déglacez avec un trait de vin blanc ou de poiré. Ajoutez alors une louche de bouillon de légumes en mélangeant sans cesse. Cette action force le riz à rendre son amidon tout en l'aérant. Le risotto sera alors crèmeux et léger. Lorsque le bouillon est absorbé, ajoutez-en à nouveau sans cesser de mélanger. Lorsque vous approchez de la fin du bouillon, goûtez le riz. Il doit être al dente, cest-à-dire légèrement croquant à coeur. Ce sera à vous de juger s'il faut ajouter encore du bouillon, sachant que la qualité d'absoption des riz change selon la variété. Ajoutez enfin le gorgonzola et mélangez pour faciliter la fonte du fromage. Pour savoir si votre risotto est parfait, secouez la sauteuse. Il doit y avoir une petite vague en surface qui prouve que votre riz n'est pas compacte, ce qu'il faut absolument éviter.
Dressez dans des assiettes creuses. Accompagnez des tranches de truites fumées et de feuilles de roquette assaisonnées de quelques gouttes d'huile d'olive parfumée à la truffe et de sel. Dégustez avec un poiré Domfront bien frais.