Un trop court voyage de trois jours en Arménie, invité par un nouveau Domaine créé à partir de rien par la famille Aslanian, qui sera présent à la prochaine édition du VDEWS à Villa d'Este.
Ce petit pays d'un peu plus de trois millions d'habitants, avec une diaspora de plus de six millions d'arméniens (avec plus de quatre millions en Russie, au point que Poutine, dans son humour si subtil, se dit le véritable Président de ce pays), n'a pas la vie facile avec un seul débouché, forcément coûteux, pour ses exportations : le neutre voisin Géorgie (chrétien) alors que les autres voisins (musulmans) ne développent pas de relations amicales (euphémisme) tels la Turquie et l'Azerbaïdjan, seul l'Iran musulman gardant une position neutre, avec ses propres habitants aimant particulièrement passer la frontière pour jouer dans les casinos arméniens.
Voyage un tantinet mouvementé avec survol pendant plus d'une heure d'Yerevan vu un orage maousse costaud, puis un pilote qui nous dit gentiment qu'il faut fissa aller faire le plein… en Turquie, opération délicatement négociée par Air France, et enfin un atterrissage à Yerevan juste avant minuit.
Parlons de ce Domaine ArmAs :
Plus de 200 hectares, solidement entouré d'un mur évitant la venue des loups en hiver, et qui a choisi une politique remarquable : que des cépages autochtones alors même que d'autres ont basé leur développement sur des cépages internationaux peut-être plus faciles à vendre à l'étranger alors même qu'il y a pourtant pléthore d'offres venant de tant d'autres nations ayant suivi cette voie plus facile des cabernets, merlots, syrahs, sauvignons et autres chardonnay.
ArmAs produit ainsi un rosé très structuré à base d'un cépage qui produit un jus rouge, un cru à base d'Areni (le cépage historique et unique à ce pays), et un blanc lui aussi à base de cépages locaux.
Quelques mots sur le cru Areni : véritablement unique par un fruité très marqué, discrètement épicé, et qui lui donne une originalité certaine. Voilà un vin qui séduira plus d'un amateur.
L'oenologue-conseil, Emilio del Medico, rencontré lors de mon séjour, est enthousiaste sur le potentiel de ce vignoble, le propriétaire ayant pris soin de faire des analyses de sol car il n'y avait rien en termes de vignobles à proximité. Tout a été soigneusement pensé - les moyens financiers ne faisant pas défaut - et ce Domaine comprendra très vite un petit hôtel, un lac et autres éléments pour une faire un lieu unique qui devra perdurer pour les générations futures.
On est ici, face à l'imposant sommet Ararat (ceux qui ont en mémoire le film de Verneuil, le "Serpent" se souviennent de cette scène où Henri Fonda montre à Yul Brunner en quoi il a menti), sur une terre où l'hiver, les températures étant souvent sous les - 20°, ont doit ensevelir les ceps sous terre, comme nous l'avions vu en Chine au Domaine d'Emma Gao, ce qui impose une viticulture bien différente de ce qui se pratique en Europe.
C'est assez fascinant de voir à quel point, la passion d'un homme d'affaires qui a particulièrement réussi, pour sa terre natale, peut aboutir à la création ex nihilo d'un tel Domaine. Bien évidemment, la réussite financière n'est pas son but premier, mais sopra tutto, son but est de réussir à produire des crus de premier ordre… et ses premiers millésimes viennent d'être honorés par quelques prix à Londres, par Decanter. ICI
J'attends de voir, à Villa d'Este, comment les participants vont apprécier ces vins lesquels n'ont pas d'équivalence gustative immédiate avec nos propres vins européens.
QUELQUES PHOTOS
Un rosé qui fera parler de lui, sans aucun doute
Assistante marketing d'ArmAs, Monika me fait déguster la boisson locale à base de lait et yaourt : oui, oui, j'ai apprécié, mauvaises langues que vous êtes !
Mes toubibs applaudissent à ces menus où de simples légumes sont passage obligé.
… là, un peu moins, mais je n'ai point exagéré alors que c'est très bon ! Pain sans levain : j'insiste !
Faudra que je dise à Guillaume Halley de changer son fournisseur de tomates :-)
Ici, c'est du pur bio, la terre ne connaissant pas Monsanto…
Victoria Aslanian, qui dirige le Domaine et Emilio Del Medico, lors d'une réception à l'ambassade de Russie pour une oeuvre de charité en faveur d'un service hospitalier
Le mont Ararat, vu du Domaine : un véritable choc. Oui, c'est là haut que Noé a posé son arche, et a planté son pied de vigne. Un paquet d'illuminés continue à explorer les lieux : il y en a, je vous jure !
Vue partielle du Domaine ArmAs : on a beaucoup dynamité sur un sol pierreux comme pas permis !
Des artisans ont monté tous les murs, pierre par pierre sans manquer d'humour…
Des installations parfaitement aux normes les plus pointues
Tout propre comme chez Conterno ou Sandrone
On a vu large, pour une production devant monter à 500.000 cols
AUTRES MOMENTS DE CE VOYAGE
On sait à quelle point l'Arménie est chrétienne, se targuant, à juste titre, d'avoir été le premier royaume ayant opté pour la religion chrétienne. Tout le pays est parsemé de monastères, d'une grande simplicité, à l'inverse des églises russes où les images ont une place essentielle.
Sur la haute presqu'île du lac Sevan, probablement le plus grand lac à plus de 1.900 mètres
Ici, Pernod-Ricard produit plus de 7 millions de bouteilles d'un "brandy", le mot "cognac" étant réservé à la France
Une véritable institution nationale qui a posé pas mal de problèmes lors de son acquisition par Pernod-Ricard qui en a fait un superbe lieu de visite, avec salle de dégustation impresionnante :
Du temps soviétique, on pouvait obtenir la création de ponts ou de routes… ou de quoique ce soit… en apportant quelques caisses dans les bureaux du Gosplan à Moscou ! Toute une époque… On m'en a raconté des choses :-)
Il y a du stock de vieilles eaux de vie …
… et une vinothèque intouchable…
… et à midi, une équipe de beautés locales vous fait déguster des vins concurrents.
Mais faudra très, très vite leur dire que la température est un point essentiel pour une juste dégustation. C'est pas gagné !
UN MOMENT DE FORTE EMOTION
Mes hôtes ont eu la gentillesse de me faire visiter un lieu unique : la découverte en 2008, dans une caverne, de ce qui a été décrit comme la première cave de l'humanité, plus de 5.500 ans !!!
Pas eu le temps d'aller à cette adresse, mais on devrait y trouver bien des infos.
Je dois dire qu'imaginer nos ancêtres foulant au pied des raisins dont on ne sait par quel processus cela donnait du "vin", c'est assez magique !
La grotte où les archéologues ont trouvé cette cave
… les fouilles continuent…
Je doute que ces premiers vignerons millésimaient leurs crus :-)
Sûr que laurentg - qui commence à cumuler des médailles aux concours d'amateurs - aurait eu des choses à dire.
Il y aurait encore plein de choses à vous raconter : la soirée à l'ambassade de Russie, le bazar du samedi matin, les tarifs des taxis, la police qui a des astuces pour vous piéger du style :
- on voit souvent des n° de téléphone sur les vitres de voitures qui sont à vendre
- la police les note
- et hop, elle vous appelle comme un quidam client, et boum vous envoie un PV pour utilisation du téléphone en voiture !
Mais j'adore les feux de circulation qui affichent, en secondes, le temps qu'il vous reste en vert pour passer, et en rouge pour l'attente. A Paris, ce serai pas mal du tout. Pas sûr que les zeus parisiens aiment ce système…
Bref : un pays où la cuisine est naturelle, de bonne qualité; où on a du bon à très bon vin; où la diaspora apporte un soutien sans faille; et où la culture du raisin, le vin, doit recevoir très vite une place de choix. Après tout, si Noé a effectivement planté son cep dans les environs, on peut dire que le mot tradition peut prendre un sens large certes, mais réel :-)