Petrus
Petrus est une propriété viticole de moins de onze hectares, sur les sept cents qui couvrent l’ensemble de la commune de Pomerol.
L’appellation est bâtie sur un plateau de quarante mètres d’altitude, constitué de sols limoneux, sableux plus au nord et argileux quant à précisément celui qui constitue celui de Petrus.
La plus ancienne terrasse est parcourue d’une veine graveleuse qui mord une partie du sous-sol de la commune de Saint-Emilion, jusque Cheval Blanc. Pour Olivier Berrouet, d’ailleurs, s’il fallait alors parler d’impact du terroir, Cheval Blanc est le GCC de Saint-Emilion qui se situe le plus dans l’esprit Pomerol.
Saint-Emilion est réputé depuis l’Antiquité pour ses calcaires. Quant au Médoc, ses graves sur argiles ou sur soubassement calcaire permettent qu’il soit l’appellation ou la région la plus en vue à partir du XVème et XVIème siècles. Les vins de Pomerol sont moins réputés : leur renommée progressive, qui en fait actuellement l’un des plus précieux fleurons du Bordelais, n’est que très récente, et remonterait tout au moins au XIXème siècle.
Au moins deux éléments déterminants ont favorisé la notoriété des vins de Pomerol.
Le premier se veut historique, et s’inscrit dans la suite immédiate des ravages provoqués par le phylloxera et qui a justifié du choix de la plantation du merlot.
Il est apparu effectivement lors des premières greffes que le malbec avait un comportement excessif. Le merlot, jusque là minoritaire, en revanche a su prouver qu’il avait de bien meilleures aptitudes auto-greffé que franc de pied ! Ensuite les gelées de février 1956 ont réduit complètement l’encépagement du Cabernet franc, ce dernier ayant bien moins résisté que le merlot.
Le deuxième est d’ordre pédologique. La nature des sols a révélé que les argiles (en particulier dans cette boutonnière) était la réponse exacte à la nature ampélographique du merlot.
Les argiles gonflantes ou smectites sont sur Petrus (comme au Domaine de La Romanée-Conti) une caractéristique des sols assez unique. Elles sont capables de réguler naturellement l’activité de l’eau, selon qu’elles la retiennent ou la libèrent par temps sec ou humide. Les smectites imprégnées d'eau se dessèchent et se rétractent lors de sécheresse, évitant alors tout stress hydrique et équilibrant l’alimentation d’eau.
Une étude plus poussée de la surface interne de ces argiles et de l’étalement des feuillets conduit à une superficie de plus de 400 mètres carrés pour le gramme prélevé ( selon les travaux de Claude et Lydia Bourguignon. ) Il s’avère que les deux plus grosses surfaces internes ont été observées comme étant celles prélevées à Petrus et au domaine de La Romanée-Conti
Enfin, la pluviométrie, particulièrement importante - et le sol joue un effet régulateur - , puis l’influence du climat (comme il n’est pas un seul élément de relief, le souffle océanique se veut incident) achèvent les plus beaux profils pomerolais de Petrus
Petrus 2008 ( petite récolte 30hl/ha)
L’olfaction délivre des senteurs de cerise fraîche, d’humus, de terre humide, avant un léger floral (Rose ?) En deuxième aération, l’odeur de fleurs séchées s’affine et se mêle aux arômes de cerise kirschée. Puis elle s’élève parmi quelques notes de réglisse et d’amande amère
La présence en bouche est immédiatement chaleureuse, car elle s’appuie sur le fruité rouge frais et doucereux de la framboise, de la framboisine, de la cranberry, nanti des expressions étonnantes de nougatine.
Se goûte aussi, dans ce que la bouche maintient et sur un plus long terme, la cerise amère kirschée, sans être en reste d’intention minérale par des apports de suie, de « goudron » peut-être, mais très certainement de carbone ou de mine de crayon.
Au fur et à mesure de son aventure et de ses périples gustatifs, la bouche se saisit d’une acidité gustative conciliante, aux résolutions franches toutefois et permettant le prodigieux saut de cabri d’une finale intense et douce.
Isabelle Leclercq