Alors, le voilà enfin cet obscur objet du désir ! Lieu de célébration de nos 50 ans, cet endroit a marqué à jamais mon esprit. Nous avions pris secrètement rendez-vous pour une nouvelle rencontre, une fête d'anniversaire de notre sémillant Pampo a donc été l'occasion de conjuger avec bonheur l'utile et l'agréable.
En ce jeudi 16 août au matin, c'est relâche au gîte. Pas de précipitation, pas de préparation de pique-nique, de bouteilles d'eau fraîche ou de chaussures de marche. Non, juste une douce quiétude qui annonce déjà la tempête pour nos papilles.
Vers 11h00, nous troquons nos habits de vacanciers pour une tenue somme toute un peu plus habillée, mais c'est la solennité des lieux - sorte de cathédrale de la gastronomie - qui nous y invite. Notre récipiendaire un peu déstabilisé (j'en pouffe encore) se plie avec quelque réticence à cette drôle de coutume, mais nous emboite le pas. Nous voilà donc partis.
Après 30 minutes de voiture, nous approchons du Graal
Rapide conciliabule pour décider, d'un commun accord, que nous partirions sur le Menu "Entre Velay et Vivarais", composé de 6 plats, fromages, desserts et autres gourmandises.
les petits savoureux apéritifs, petites cuillères légères
Tomates et fraises - Sarassou aux herbes - Lisette et agastache - Tête de veau sauce ravigote
second amuse-bouche sur le thème du saumon cru
Senteurs de sapin, homard bleu de Bretagne
Chaud et froid de homard aux épices de sapin,
tomates fenouil à l'aspérule odorante.
Pour ma part, ce plat a été remplacé par une composition sur le thème du foie gras, du céleri et du jambon fumé de pays.
Herbes d'Été
Le choux farci « pigeon foie gras » servi comme un « phô »,
bouillon parfumé aux herbes du moment, chanterelles violettes.
Chanterelles communes
Bouillabaisse de moules aux girolles
relevée d'un safran de l'Ardèche.
Omble chevalier du lac et oseilles
L'omble chevalier poêlé aux jeunes carottes,
relevé d'un jus aux pousses acidulées.
Champignons et Tanaisie
Le thé de craterelles infusé à la feuille de Tanaisie.
Porcelet du Larzac
Couci-couça de porcelet « bio »
à la façon d'un couscous vellave aux lentilles vertes du Puy.
Les fromages d'Ardèche et d'Auvergne affinés dans notre cave pour les uns (je vous dis pas les pâtes persillées ...)
Assiette sur le thème des fromages AOC d'Auvergne
(Saint Nectaire, Bleu d'Auvergne, Salers, Fourme d'Ambert, Cantal)
pour les autres
pour patienter ...
Les douceurs avec les chauds, les glacés et les pâtisseries
(le premier sur le thème de la myrtille, le second sur le thème poire, banane et morilles)
Mignardises, chocolat aux cèpes et caviar de lentilles
Et avec ce repas, que prendrez-vous ? Question perfide s'il en est tant la carte comporte de belles références, peut-être parfois un peu trop jeunes, mais c'est sans là la rançon du succès. Nous partons donc sur un objectif de trois bouteilles (à quatre), ce qui paraît raisonnable : deux blancs pour les 5 premiers plats et les fromages, et un rouge pour la viande.
Cruel dilemme entre les vins de la vallée du Rhône tout proche et ma région de prédilection, la Bourgogne. Rapide conciliabule avec notre invité, mon partirons donc sur un consensus mou avec deux Rhône et un Bourgogne.
Chablis Grand Cru Les Clos 2002, Vincent Dauvissat : magnifique vin en pleine force de l'âge. Un nez puissant, très minéral (pierre à fusil, coquille d'huitre, poudre de calcaire), une pointe grillée très discrète. L'évolution est réduite à son expression minimum, juste une impression miellée en arrière-plan. La bouche est à la fois tendue et puissante, le léger gras venant équilibrer la tension acide complètement fondue dans la structure du vin. Belles notes d'amers nobles. Très longue persistance, salivante. Excellent +++
Condrieu, la Dorianne 2008, Guigal : changement complet de registre. La première impression est celle d'une grosse matière, très puissante (le Chablis pourrait presque passer pour chétif à côté), un rien gras, et une maturité imposante. Mais voilà, c'est bien là que le bât blesse. Un premier nez très classique, sur un registre de fruits confits (abricots) et d’exubérance (un style Parkérien si je puis dire). La bouche est sphérique, très (trop) mure, associée à un boisé trop prégnant. C'est glycériné, visqueux, collant, presque sucré, avec un déficit par trop prononcé d'acidité. Passée la première claque, le vin apparaît lourd et fatigant. Pour moi (et cela n'engage que moi), c'est Moyen
Réflexion faite, c'est ici le seul bémol du repas. J'aurais du partir d'abord sur un Chablis, Grand Cru Grenouilles 2005 de la Cave de la Chablisienne, puis embrayer sur le Chablis Grand Cru les Clos 2002 de Vincent Dauvissat. Mea culpa. Errare humanum est.
Saint Joseph, les Reflets 1999, François Villard : Grande syrah nordique, à parfaite maturité. Une robe intense, profonde et sombre, avec peut-être quelques notes d'évolution sur le disque. Un nez profond et évoluant dans le verre, avec quelques notes de champignons, de viande et de fruits noirs épicés. On y rencontre ensuite les olives vertes et le cassis. La bouche est magnifique de droiture, d'équilibre et de fruité intense. Belle acidité fondue, tannins polissés. C'est à la fois vineux et (presque !) gouleyant, suave et d'une grand buvabilité. Finale fruitée intense, très fraîche, d'une longueur superlative. Excellent ++
Que dire de ce repas, rien si ce n'est que nous avons touché ici la perfection. Aucun défaut, tant dans le décor, la présentation des assiettes, les associations de saveurs et le service. Une deuxième expérience vraiment très réussie.
Encore une fois, un très bon anniversaire mon petit JP. N'est-il pas totalement épanoui après ce repas ?
Bruno