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Escapade girondine (1)

Par Daniel Sériot

Escapade girondine.

D’un point qui se voudrait réduit à n’être rien entre les deux infinis que sont le passé ou le futur, le présent, celui que nous consacrons à notre passion, celui vécu lors d’une échappée de mon Nord natal vers mes terres d’élection girondines, s’est voulu défiant les lois linéaires du temps. Notre repas s’est offert comme un arrêt sur image d’une réelle intensité de plaisirs et d’émotions culinaires, gustatives et oenophiles, prolongeant les bonheurs de notre rencontre dans les extrémités d’un passé toujours reliant et d’un futur dont nous anticipons les plus grandes complicités.

Contentement et joie intérieure pour sublimer évidemment les réalités qui soient les seules qui méritent que nous nous y attachions ; sincérité de cœur, d’estime et de regards qui permettent la cohésion parfaite de nos choix et de nos goûts. Si je prends un plaisir infini dans les réalisations culinaires, la sommellerie que Daniel fait éprouver aux plats atteint une perfection presque inégalée.

De fait j’ai souhaité lui présenter un foie gras cuisiné au torchon et au café. A l’occasion d’une table hellemmoise, ce mets qui avait remporté un franc succès avait été confectionné en vue de se produire à table avec la Cuvée du hasard de Labet, 2000. Or, Daniel voulait me faire la surprise d’une cuvée confidentielle, Vieux Château Chauvin 1998, précisément pour le travail abouti en vinification et pour la finesse de l’élevage. Fort justement il s’est avéré comme un prodige de réduplication de saveurs dans le vin.

Menu

Foie gras au café

Vieux Château Chauvin 1998

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Bouillon de pleurotes au cerfeuil

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Veau braisé au miel et chou rouge confit aux griottes

Belair 1989

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Saint-Nectaire fermier (deux mois d’affinage) du Mont-Dore

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Ravioles de mangues, mousse de mangue et coulis de fruits de la passion.

Guiraud 1990

Description préalable des vins

Vieux Château Chauvin 1998

L’olfaction délivre un bouquet intense de fleurs de violettes, de pivoines et de roses fanées, dans lequel s’unissent de puissantes notes de cassis, d’écume de cassis, de sureau et de moka presque chocolaté.

La bouche au maillage tannique effilé, d’une soierie presque inimitable, draine une charge de fruits mûrs et suaves, sans réelle puissance car plutôt préservée dans leur croquant.

La finale rebondit sur la cerise amère pour conférer aux saveurs des notes grillées une impression de torréfaction subtile, élégante et raffinée.

Château Belair, 1989

La reprise des notes torréfiées dans le Belair permet à contrecoup de restituer un lien pourtant volontairement rompu grâce au bouillon. Mais les expressions dessinent davantage un élevage plus consensuel dont l’alliance avec les notes de tabac, de cèdre, de fourrure et d’humus confirme le classicisme épuré de Belair. Joli fruité de cerise en suspension…

Il est une idée de puissance contenue dans ce vin dès lors qu’il s’exprime en bouche : un moelleux au moins en attaque pour des expressions plus tactiles des tannins dans la finale, dont la pression se veut réglissée, et amendée d’une cerise kirschée.

Guiraud 1990

Superbe exhalaison de notes florales denses de pot-pourri, d’infusion et de fleurs séchées. La complexité de Guiraud se détecte par l’originalité d’odeurs de pure malt, d’encaustique, de miel, de dattes et de fruits secs, de caramel, d’épices (cumin et safran)

Belle et magnifique ampleur de l’olfaction en guise de prolégomènes à une bouche savante et multiples des saveurs confites, pour le merveilleux d’un botrytis exubérant, chaud et distingué tout à la fois dans les expressions émérites des plus beaux Sauternes.

La liqueur est d’une grande souplesse, et l’acidité exerce sa pression sur la rampe de lancement et permet de gonfler une finale doucereuse et de lui apporter les plus beaux ajustements des goûts de l’abricot.

Accords

Le foie gras au café a été mariné dans un bouillon mêlant un marc de café, de l’extrait de café et de la liqueur de café. Puis il a été cuit au torchon, préalablement paré de quelques grains de café, de muscade et de sel. La marinade réduite et rajustée avec un marc a permis une sauce à part. La torréfaction s’est assez traduite, juste ce qu’il fallait et a permis l’écho fringant et original de Vieux Château Chauvin, en combinant une texture moelleuse, comme capitonnée pour polir un palais apte au soyeux des tannins.

Le bouillon de pleurotes a été servi en entremets pour permettre la transition entre les deux Saint-Emilion ; l’un riche, dense et expansif, l’autre classique, calme et tempéré comme on peut l’être sur ses vieux jours.

La chair du veau s’est voulue à la fois tendre en raison d’une farce dans laquelle l’épaule s’est fondue, et à la fois croquante dans ses bords par la cuisson braisée au miel.

Mais c’est principalement le chou confit aux griottes qui a apporté les impressions fruitées aigres-douces manquantes au vin. L’accord s’est révélé intéressant.

Le Saint-Nectaire a permis de reprendre le Vieux Château Chauvin. L’affinage prolongé du fromage a construit une croûte salée et aux saveurs grillées qui n’ont pu que convenir au vin.

Enfin le dessert, d’une conjonction de goûts en rupture avec le Sauternes, est ce qui a autorisé l’accord asyndétique : mais tout est en correspondance pour les meilleures expressions des fruits exotiques bien rafraîchissants. Un accord dans des contradictions pour de succulents inédits !

Conclusion :

Belle expérience que le foie gras au café assorti du Vieux Château Chauvin, prodigieux de définitions claires et précises des sapidités et des alliances justes.

Isabelle

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