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Apollonia Poilâne – Au nom du père et de la fille

Par Gourmets&co

Lorsqu’elle entre dans la pièce, cette petite pièce sentant bon le pain, avec cette douce chaleur typique d’une boulangerie, les murs couverts des tableaux recueillis par son grand-père, elle parait si mince, presque frêle, mais aussi tellement intense, tellement possédée par son travail et par ce qu’elle porte sur ses épaules. Elle est tout entière Poilâne.

Boulangerie Poilâne 8 rue du Cherche Midi Paris 6ème 380x254
Elle est née dans le pain, a grandi dans le fournil, a joué avec la farine et les belles miches de pain, elle a goûté, mangé, dévoré les viennoiseries, les chaussons aux pommes, les flancs, les fameuses punitions, sans oublier les fabuleuses biscottes… C’était son monde, sa vie, sa joie. Elle savait déjà qu’après son grand-père et son père, ce serait elle et personne d’autre. Elle le voulait… mais pas si vite et pas si tôt… En 2002, elle a 18 ans lorsqu’elle apprend l’accident et la mort de ses parents. D’Harvard où elle fait ses études, elle rentre d’urgence et prend en main la boulangerie la plus célèbre au monde.

Héritier de la petite boulangerie du quartier du Cherche Midi, Lionel Poilâne a fait de son pain l’emblème de la France et de son savoir faire à travers l’Europe, le Japon, et les Etats-Unis. Tous les matins, les miches Poilâne partent à New-York, à Tokyo, à Londres, à Munich, et dans les grandes villes françaises. Partout Poilâne va faire redécouvrir le goût du bon pain au levain, de la grosse miche que l’on tranche, alors que les baguettes à la mie blanche et maigrelette règnent sur les boulangeries industrielles. Les files d’attente du samedi matin dans la rue du Cherche Midi sont célèbres, les touristes en font une halte obligatoire, les grands restaurants en veulent, les médias s’en emparent et Lionel, boulanger dandy d’une élégance précieuse, les cheveux longs et la mèche rebelle, devient la première star internationale du pain.

la non moins fameuse Tarte aux pommes 380x377
Appolonia va se fondre dans ce moule, malgré une personnalité fondamentalement différente de son père, elle va prendre à bras le corps cet « empire », ce travail monstrueux et va réussir, d’abord à maintenir le cap et aujourd’hui à le développer encore mais sans se lancer dans la multiplication des enseignes qui banalisent le nom et le produit. D’autres s’y sont brûlés, elle n’y tient pas. Poilâne restera artisanal, humain, comme l’avait crée son grand-père qui aidait les artistes sans le sous de Saint-Germain en leur donnant du pain contre un tableau. Un esprit, une éthique, … le pain est un don, toujours proche du mystique.

Aujourd’hui, la boutique est telle qu’en elle-même, chaleureuse, familiale. On reconnaît la dame de la caisse, toujours là, vous offrant une punition pour patienter, les produits sont les mêmes, le pain est au levain, pas de baguette ni de pain exotique pour amuser la galerie, le fournil est toujours au sous-sol où l’on accède par un escalier minuscule, les bureaux sont là,…bonheur des choses qui perdurent. Les nouveautés ? Un pain au levain et au poivre, parfait pour accompagner un foie gras, et les deux « Cuisine de Bar » dont l’une jouxte la boutique et où l’on grignote sur le pouce quelques belles tartines…

Les Choix de Poilâne
Le sel de Guérande pour sa richesse en oligo-éléments.
Les blés cultivés dans le respect de l’environnement et stockés sans pesticides, puis broyés sur meule de pierre.
La farine obtenue est une farine bise qui conserve plus d’éléments du grain de blé que la farine blanche, donc une plus grande valeur nutritionnelle.
Le levain utilisé pour faire pousser la pâte est un morceau de pâte de la fournée précédente. Le pain au levain se conserve mieux qu’un pain à la levure, et il est plus digeste.
La chauffe se fait au feu de bois pour les fours, qui donne une chaleur plus sèche et une cuisson en profondeur du pain.

Rencontre avec Apollonia Poilâne

Miches Poilâne sortant du four à bois 337x420

Gourmets&Co : Quel est votre premier souvenir de pain ?
Apollonia Poilâne : Mon premier souvenir de pain dont je ne peux pas me souvenir est l’idée qu’ont eu mes parents de me faire un berceau en pain ! Par contre, chaque année mon père faisait pour mon anniversaire un grand pain en forme du chiffre de mon âge. Je me souviens bien du 2 qui avait une forme de serpent. A 10 ans, j’en ai eu deux ! C’est un de mes plus merveilleux souvenirs car je le partageais avec tous mes copains et tout de suite le pain pour moi a été le partage.

Vous aviez prévu de vivre dans le pain ?
Toujours, car voir des gens passionnés comme mon père qui transpirait son métier, cela vous imprègne et ils vous transmettent leur passion. Je me souviens que je trouvais beau et riche de façonner la première fournée de pain du matin et je le disais à mon père qui lui avait souffert de ce métier difficile qui n’était pas reconnu comme aujourd’hui quand il a commencé.

Qu’est-ce qui vous passionne dans le pain ?
Le partage. Mais cette évidence du partage disparait car les pains sont de plus en plus petits de plus en plus individuel. Mon métier touche à tout et je connais peu de métier qui touche à la littérature, aux sciences, aux religions et aux arts. De plus, la boulangerie est un métier où l’on vit vraiment le quartier, les gens proches, les enfants qui grandissent… Quand j’étais aux Etats-Unis en université je me faisais envoyer du pain chaque semaine. J’avais besoin de ce contact car le rapport au pain là-bas est très différent.

Que pensez-vous de cette nouvelle génération de boulangers ?
C’est surtout une génération qui est plus médiatisée car il y a toujours eu des nouvelles générations de boulangers mais celle-ci communique beaucoup. On a peu parlé de la génération Ganachaud pourtant il était important…

En quoi Poilâne est-il unique encore aujourd’hui ?
En tout ! Chaque boulanger est différent. Ce que j’aime ici c’est 36 heures pour faire une miche de pain, 9 mois pour former un nouveau boulanger. On fait peu de pains mais chaque pain a son identité et son usage qui peut-être multiple. Par exemple, le mariage exemplaire de notre pain de seigle avec les fromages. Notre pain est vraiment « de » seigle et non pas au seigle. La farine est difficile à travailler et beaucoup de boulangers coupent avec de la farine de blé ce qui n’est pas grave en soi mais on perd le goût subtil et mielleux du seigle pur. Le pain doit refléter la diversification de notre nourriture. Avant, on mangeait du pain surtout par nécessité, maintenant il a un nouveau rôle.

Les fameuses  punitions  380x379

Quel a été votre apport dans la maison ?
Le pain au poivre, qui marche très bien avec un foie gras et avec du chocolat. C’est un pain de mie avec une croûte fine et qui n’a pas de lait dedans. Mes parents m’ont appris que pour aller de l’avant, il faut prendre le meilleur du passé et toujours être à la pointe de la technologie. C’est un équilibre et donc jamais parfait et qu’il faut toujours atteindre.

Comment bien conserver son Poilâne ?
Le plus gros morceau possible et non tranché. Puis, notre papier d’emballage est très bien. Une cuisine sèche, un linge un peu humide, cuisine humide on aère le pain, le trancher au fur et à mesure et on peut le congeler. Il faut le décongeler bien avant sans passage au four ni au micro onde.
Quand vous n’êtes pas au fournil, où êtes-vous ?
J’ai une vie assez banale de jeune trentenaire, je sors avec des copains au restaurant… J’aime le restaurant Le Cherche Midi, simple et merveilleux. J’adore aussi l’Epi Dupin dans le quartier. J’aime la brasserie Thoumieux, et le joli travail des plats de David Toutain surtout dans sa vaisselle en terre.

Un mot sur La Cuisine de Bar ?
C’est une idée de mon père qui ouvre en 1995. Il voulait un petit lieu de restauration sans cuisine et sans chef et pour moi c’est un petit café dans le prolongement de chez soi où l’on vient à tout moment de la journée, de 8 heures à 19 heures, on fait des tartines et un brunch le dimanche.

IMG 0216 copie 380x253
8, rue du Cherche Midi
75006 Paris
De 7h15 à 20h15. Fermé dimanche

49, bd de Grenelle
75015 Paris
De 7h15 à 20h15. Fermé lundi

38, rue Debeylemme
75004 Paris
de 7h15 à 20h15. Fermé lundi
Dimanche de 7h15 à 16h30

www.poilane.fr
[email protected]


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